Jean-François Copé a eu raison de proposer que le Conseil Constitutionnel soit saisi du projet de loi visant à interdire le port du voile intégral.
C’est la seule façon de sécuriser le droit. J’avais d’ailleurs fait cette suggestion à Michèle Alliot-Marie lors de son audition lors de la commission des lois le 16 juin dernier. A l’époque, la Garde des Sceaux s’était contentée de me répondre qu’il fallait y réfléchir…
Cette saisine est d’autant plus pertinente que le gouvernement reconnaît prendre un risque juridique en interdisant de manière absolue et absolue, en tous lieux et en tous temps cette pratique. Je peux comprendre que la mesure soit populaire mais elle est pourtant parfaitement fragile au regard notamment de la convention européenne des droits de l’homme. On peut le regretter, voire même le combattre mais c’est un fait.
Le législateur n’est, en effet, pas aussi libre qu’on veut bien le dire. Ses textes sont toujours rattrapés par le droit et celui-ci s’analyse aussi en regard de la jurisprudence des tribunaux de l’Union Européenne. Ne pas en tenir compte serait admettre que demain la République pourrait être condamnée, ce qui serait alors une victoire pour les intégristes de tous poils.
Autres exemples, la loi LRU et la masterisation, lois bâclées sur le fond et sur le droit.
Tout a fait d’accord avec vous. Il faut « sécuriser » le droit. Seul regret : pourquoi mettre toujours en avant les textes européens quand le principal « obstacle » du Gouvernement, s’avère être la DDHC de 1789 ?
La Belgique fait partie de l’Union Européenne, non ? Et elle a adopté une loi sur le sujet…Il est vrai en tenant compte des avis de ses conseillers juridiques !
http://www.20min.ch/ro/news/monde/story/14779206
Ainsi…
Dans une motion déposée au Conseil national le 19 mars 2010, Oskar Freysinger demandait que toute personne puisse être identifiée dans quatre situations qui ont rapport avec la sécurité publique et l’égalité devant la loi :
- quand on s’adresse à une autorité fédérale, cantonale ou communale
- quand on utilise des transports publics
- quand on pénètre dans des bâtiments publics où la sécurité doit être assurée aux autres
- quand on manifeste sur le domaine public
Cette motion préserve la liberté de se vêtir. Elle ne demande pas l’interdiction de la burqa ou du niqab. Elle demande seulement que dans certaines circonstances une personne ne s’avance pas masquée et puisse être identifiée. Le bon sens même.
Le projet de loi va bien plus loin – surtout si l’on considère la proposition de M. BESSON d’enlever sa nationalité à ceux qui n’auraient pas un amour total pour la République : on renouerait ainsi avec des périodes « fastes » de notre Histoire où régime politique et amour de la France allait de pair. Avec une telle vision, les « royalistes » et « bonapartistes » n’auraient pas pu défendre la France en 14-18 ! – et par conséquent très bancal juridiquement.
Ainsi, le Gouvernement s’appuie t il sur la laicité, oubliant sans doute qu’elle ne peut s’imposer directement à la société ou aux individus qu’en raison des exigences propres à certains services publics (comme c’est le cas des établissements scolaires). »
La sauvegarde de la dignité humaine ne serait pas une base beaucoup plus solide. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme l’a jugée indissociable de la protection du « libre arbitre », tandis qu’elle se penchait sur les évanouissements d’une femme soumise aux sévices de deux complices.
Quant à la sécurité publique, elle constituerait « un fondement très solide pour une interdiction de la dissimulation du visage, mais seulement dans des circonstances particulières » ; en l’absence de troubles avérés, une interdiction générale reposerait « sur une logique artificiellement préventive » – laquelle n’a jamais été admise par la jurisprudence.
En définitive, seule une acception élargie de « l’ordre public » – qui est la seule raison pouvant justifier des accomodements aux droits de l’Homme et du Citoyen – pourrait s’accommoder de la lubie présidentielle. Il faudrait y voir, selon les termes du Conseil d’État, « le socle d’exigences réciproques et de garanties fondamentales de la vie en société ».
« Mais une telle conception, juridiquement sans précédent, serait exposée à un sérieux risque de censure constitutionnelle ou conventionnelle, ce qui interdit de la recommander », ont conclu les magistrats.
Rajoutons à cela que le texte législatif a pour objet de créer…Une contravention. Pour un motif d’ailleurs des plus bancal : « la méconnaissance de l’interdiction ».
D’une part, il y a empiétement du Parlement sur le Gouvernement, donc atteinte à la séparation des pouvoirs. D’autre part, s’il y a « méconnaissance » de la loi – qui punie ou défend – ce n’est pas le citoyen qui doit être poursuivi…Mais l’Etat. Car c’est à lui de faire « connaître » la loi pour que « nul ne puisse ignorer (méconnaître) la loi » ! Ce n’est pas la « méconnaissance » de la loi qui devrait donc être sanctionnée mais tout au contraire le viol volontaire de celle ci.
Ajoutons à cela la notion de « motif légitime » qui n’est pas imprécise en elle-même, mais le devient dès lors que le législateur renvoie au Gouvernement le soin de « préciser ». Par ailleurs, l’exigence de précision suppose que le législateur détermine la peine applicable à l’infraction prévue. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, dès lors qu’il est renvoyé au Gouvernement pour déterminer celle-ci parmi la catégorie des peines contraventionnelles.
Sur le fond, l’interdiction de dissimuler son visage se heurtera au droit au respect de la vie privée, et de façon générale, à la liberté individuelle, protégés par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cela n’implique pas naturellement l’inconstitutionnalité du texte, mais il conviendra de mesurer la légitimité de l’atteinte aux libertés au regard des objectifs avancés par la proposition.
Pour finir, les « motifs » : MAM s’appuie sur notre devise pour vanter les vertus « républicaines »…Ignorante, sans doute, qu’elle est, du caractère « national » et non « républicain » de cette devise ! LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE, ces mots ont été prononcés la première fois par un certain ROBESPIERRE, en 1791. A cette époque, la France est une monarchie constitutionnelle…!