35 h, les contrevérités de la droite

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logo35h_new.gifLe groupe socialiste à l’Assemblée vient d’engager une « bataille sans concession » selon les termes de son président.

Il s’agit de s’opposer et en l’espèce de retarder le plus possible l’adoption d’un texte aux conséquences particulièrement dramatiques pour les salariés.

La droite une nouvelle fois utilise le bilan des 35 h pour remettre en cause des fondements de notre droit du travail. La presse en parle aujourd’hui et j’y reviendrais mais je veux à nouveau redire la réalité du passage aux 35 h.

Pardon de la longueur inhabituelle de cette note mais j’en ai assez de ce procès permanent. Alors je veux critique par critique répondre.

1 – Des créations d’emplois massives

Selon Eurostat, l’organisme statistique européen, le taux de création d’emplois entre 1999 et 2001 a été de 50 % plus élevé en France que dans les autres pays européens. Au total, ce sont plus de 350 000 emplois qui ont été créés grâce aux seules 35 heures sur la période 1998-2002, sans déséquilibre financier pour les entreprises, sans compter les emplois indirects engendrés, notamment dans les secteurs du sport, des loisirs et du tourisme par exemple. Nombre d’experts chiffrent à 400 000 à 450 000 le nombre total d’emplois créés sous le gouvernement Jospin grâce aux 35 heures.

En définitive, la période 1998-2002 est celle où l’emploi salarié a le plus progressé en France. Il a augmenté de 2 % en moyenne annuelle sur cette période, au lieu de 0,7 % de 1990 à 1997, et de seulement de 0,5 % à partir de 2003.

En outre, compte tenu des créations d’emplois, le volume horaire total dans le secteur marchand non agricole a progressé entre 1997 et 2002 de l’ordre de 4,4 % en moyenne annuelle, alors qu’il stagnait sous les gouvernements précédents et qu’il n’a plus augmenté que de 3 % en moyenne annuelle par la suite.

2 – Une relance de la croissance et une amélioration de la compétitivité et de la productivité

Les 35 heures n’ont nullement bridé la croissance, comme l’affirme le gouvernement. C’est même entre 1998 et 2002 que le taux de croissance a été le plus important, avec 2,7 % en moyenne annuelle, alors qu’il n’était que de 1,4 % entre 1992 et 1997 et qu’il est retombé à 2 % de 2003 à 2007. (Pour 2008, la prévision de croissance de l’INSEE n’est que de 1,6 %.) C’est également entre 1997 et 2002 que l’investissement des entreprises a été le plus dynamique.

Les 35 heures sont en outre loin d’avoir sonné le glas de la productivité et de l’attractivité du territoire, même si elles se sont parfois traduites par des difficultés de mise en œuvre, notamment dans les hôpitaux. Les gains de productivité horaire ont été de l’ordre de 4 % à 5 % sur la période 1997-2002. Selon une étude de l’INSEE, la réduction du temps de travail n’aurait pas engendré de coûts salariaux supplémentaires pour les entreprises, grâce à la réorganisation du travail qui a permis de dégager des gains de productivité et aux allègements de cotisations sociales qui ont accompagné le passage aux 35 heures.

Par ailleurs, aucune dégradation de la compétitivité de la France par rapport aux autres pays européens n’a été constatée. Si l’on étudie les statistiques fournies par Eurostat, la productivité en France est supérieure à celle de l’Union Européenne. En base 100 pour l’Union européenne à 27, la France obtenait en 2002 par heure de travail une productivité de 125,6, contre 106,5 pour l’Allemagne et 110,2 pour le Royaume-Uni. Aujourd’hui, la productivité française est retombée à 121,4 (prévision pour 2008).

Enfin, les 35 heures n’ont pas empêché la France de continuer d’attirer les investissements directs étrangers (IDE). Notre pays est même devenu en 2002 la deuxième terre d’accueil des capitaux étrangers, et se situe depuis en moyenne au 3ème rang mondial, derrière les Etats-Unis et la Chine. Le flux d’investissement étranger est passé de 20 milliards d’euros en 1997 à 38 milliards en moyenne entre 1998 et 2002, avec un pic à 56 milliards en 2001, alors qu’il n’atteint que 61 milliards d’euros en 2005. C’est donc sous le gouvernement Jospin que les IDE ont le plus progressé.

3 – Une progression réelle du pouvoir d’achat et des salaires

Les critiques concernant la prétendue modération salariale qui aurait suivi la mise en œuvre des 35 heures sont infondées. Si certaines entreprises ont pu recourir à un gel des salaires sur une courte période, les années 1998-2002 sont celles d’une croissance retrouvée du pouvoir d’achat, qui a atteint 2,6% en moyenne annuelle par unité de consommation sur la période (contre 1,3% en moyenne annuelle sur la période 2003-2007).

Cette période correspond également à celle d’un redressement de la part des salaires dans la valeur ajoutée des sociétés non financières, qui est passée de 63,5% en 1998 à 65,6% en 2002. La hausse des salaires s’est traduite par une hausse de leur part dans le revenu disponible brut des ménages, ce qu’on ne vérifie plus par la suite.

Les politiques mises en place sous le gouvernement Jospin (35 heures, emplois-jeunes, insertion par l’économique…) ont donc créé une véritable dynamique de croissance et de création d’emplois, interrompue depuis. Sur la période 1998-2002, la croissance française était même supérieure à la croissance européenne (3,18% contre 2,66% pour l’UE). Le redressement de la part des salaires à la fin des années 1990, et le mouvement de création d’emplois, liés à la réduction du temps de travail, constituent assurément l’un des moteurs de la croissance de cette période. La relance de la consommation a permis de remplir les carnets de commande des entreprises et de stimuler l’investissement. Le recul du chômage qui s’en est suivi a en retour contribué au redressement des salaires, créant un véritable cycle vertueux.

4 – Un coût mesuré pour les finances publiques

La RTT ayant exercé très rapidement ses effets sur l’emploi, et donc sur les recettes fiscales et sociales qui en ont résulté, le coût pour les finances publiques a été en définitive relativement faible.

En effet, les sommes allouées aux aides à la RTT ont été en grande partie compensées par les retours sur les finances publiques et sociales (baisse des dépenses d’indemnisation du chômage, hausse des recettes fiscales et sociales suite aux créations d’emplois). La création a minima de 350.000 emplois correspond à une rentrée de 4 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires. Les comptes de la protection sociale étaient d’ailleurs excédentaires de 1998 à 2002.

Au total, selon la DARES, les exonérations de cotisations sociales liées aux 35 heures ont atteint 5,7 milliards d’euros en 2000, 8,8 milliards en 2001, 10,5 en 2002, puis 6 milliards en 2003. Le coût annuel des allègements de cotisations représente en revanche 8 milliards d’euros pour les allègements « Juppé» et « De Robien », qui ont créé à peine 7 000 emplois. Les allègements Fillon atteignaient quant à eux 17 milliards d’euros en 2005, soit près de deux fois plus que ceux correspondant aux 35 heures, sans aucune contrepartie en termes d’emplois.

Voilà. Il fallait le dire. Et s’il faut plus tard le répéter, je le ferai. Les 35 H restent pour moi une réforme dont les socialistes peuvent être fiers.

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8 réponses à 35 h, les contrevérités de la droite

  1. Baillergeau dit :

    Merci pour ce travail sur les 35 h
    Belle sortie des invectives habituelles, dans notre Parti et ailleurs !

  2. Lors des fameux débats participatifs de la campagne présidentielle où l’on ne retrouvait d’ailleurs ques des militants socialistes, j’ai avalé des couleuvres au sujet des 35 h et de la société d’assistanat!
    Plus jamais ça.

  3. Alain dit :

    Bravo pour ce travail ! Vivement que les Socialistes et ceux et celles qui se disent de gauche rejoignent les rangs des socialistes pour la France et surtout son peuple !

    Vive les congés payés ! vive les 35 heures ! vive le travail partagé par tous !

    Léon Blum serait fier de vous,je pense, Monsieur URVOAS.

  4. Roland B dit :

    Jean-Jacques Urvoas,

    Bravo pour cette analyse.

    Voici également un document intéressant sur le site de l’INSEE, document qui compare un certain nombre de statistiques issues des 27 pays européens. On trouve dans ce document la déclaration suivante : « D’un point de vue comptable, le PIB [qui dans sa définition permet de comparer l’efficacité des économies, même si on en connaît les limites] par tête dépend de la productivité et du volume de travail. À cet égard, la France a un niveau de productivité horaire plutôt élevé, supérieur de 34 % à la moyenne de l’UE à 27. Mais ceci ne compense que partiellement la faiblesse de son taux d’emploi et une plus faible durée de travail. ». Attention donc ! Les objections pourraient arriver rapidement. On y trouve également un tableau comparatif très intéressant page 64 (le lien sur le document est le suivant : http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/ue2008/ue2008_Ouvrage-FRA.pdf ), et qui permet d’avoir un œil par les chiffres sur ce qui se passe en Europe.

    Quant au projet de loi, il donne l’impression (Article 17) que les négociations sur les durées de travail des cadres et non cadres vont dans le sens d’un renforcement du pouvoir des entreprises, ce qui semble préjudiciable pour la très grosse majorité des salariés. Est-ce une bonne lecture ?

    Amitiés socialistes

    Roland

  5. Roland B dit :

    Un petit complément par rapport à mon commentaire de vendredi soir, comparant les productivités hebdomadaires pour prendre en compte les durées hebdomadaires de travail (ces durées sont issues du document que vous trouverez au lien suivant : http://www.eurofound.europa.eu/eiro/2005/03/update/tn0503108u.htm référencé par le Ministère du Travail des Relations Sociales de la Famille et de la Solidarité – voir le lien suivant : http://www.travail-solidarite.gouv.fr/etudes-recherche-statistiques-dares/statistiques/duree-du-travail/comparaisons-internationales/comparaisons-internationales.html ).

    Voilà donc des conclusions que l’on peut en tirer :

    Tout d’abord, on voit que les 35 heures hebdomadaires travaillées en France ne sont pas à comparer systématiquement (et de manière sans doute culpabilisante) à 39 ou 40 heures travaillées dans les autres pays. Ainsi, la durée de travail au Danemark ou aux Pays Bas est de 37 heures hebdomadaires. Ensuite, on voit que les semaines de 40 heures existent uniquement dans les pays d’Europe Centrale et de l’Est, où le progrès social reste le plus important à réaliser (j’ai l’occasion de me rendre dans ces pays et je peux vous assurer que cela correspond à la fois à une réalité politique et de terrain).

    Enfin, si la règle est de faire la preuve par le calcul, voici quelques calculs qui montrent la position réelle de la France comparées à quelques pays voisins, basés sur une simple multiplication : Productivité hebdomadaire = productivité horaire x nombre d’heures hebdomadaires.
    Luxembourg = 170,2 x 39 = 6637,8 (mais bon !)
    Belgique = 124 x 38 = 4712
    Pays-Bas = 119,4 x 37 = 4417,8
    Allemagne = 110,0 x 37,6 = 4136
    France = 118,0 x 35 = 4130
    Suède = 105,4 x 38,8 = 4089,5
    UK = 89,0 x 37,2 = 3310,8

    Jean-Jacques, ceci donne à nouveau l’impression que le gouvernement veut imposer une loi structurante pendant la trêve estivale. J’ai envie de dire une fois encore que la voix de l’opposition devrait se faire entendre très fort et indépendamment des différents courants qui existent au sein du PS. Les ténors du PS qui ont voix au chapitre et accès aux médias ont une occasion en or de démontrer qu’ils sont capables d’autres choses que des luttes de pouvoir. Il y a là des voix à glaner maintenant pour les prochaines échéances électorales.

    Il est clair que le développement économique de la France doit continuer et se renforcer, mais les moyens à trouver ne sont certainement ceux d’une régression sociale. Des slogans au ras des pâquerettes comme « travailler plus pour gagner plus » sont certainement …. . De mon côté, je suis toujours surpris de voir la motivation (et les compétences) incroyable des personnes qu’il m’arrive de rencontrer dans des pays comme la Hongrie ou la Tchéquie. Ce sont des pays qui sont clairement en marche vers le progrès.

    Amitiés socialistes

    Roland

  6. jpb dit :

    Dans une économie de la connaissance, il faut avoir un cerveau bien frais. Pour que celui-ci fonctionne à son optimum, trente heures de travail par semaine sont un maximum. Au delà, on accumule les erreurs que l’on doit réparer la semaine suivante. On peut travailler beaucoup, mais avec quelle efficacité ?

    On innove et on invente en rêvassant, dans une ambiance détendue et ouverte. Le stress est notre pire ennemi.

  7. Bloggy Bag dit :

    Oui, oui et re-oui ! Si les 35h ont eu quelques effets négatifs qui auraient pu et dû être corrigés, elles ont été plus que positives pour les salariés et l’économie.
    A contrario, leur suppression va maintenant entraîner de façon prévisible une série de séismes en sens inverse. C’est un contre-sens économique et social, une connerie monumentale !

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