Affaire Merah : commission d’enquête ou pas ?

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Je viens d’être sollicité par RMC, Aujourd’hui-en-France et France Inter pour savoir si la demande que les avocats des familles des victimes de Mohamed Merah pouvait aboutir.

Elles souhaitent en effet, la création d’une commission d’enquête afin de faire « toute la lumière sur les liens qui existaient entre le djihadiste et des fonctionnaires de la République« .

Hélas, le fonctionnement des assemblées parlementaires est régi par une ordonnance du 17 novembre 1958. Or son article 6 stipule qu »il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours« . Je crains donc, compte tenu de l’existence justement d’une information judiciaire, que – dans le cas d’espèce – toute proposition de résolution tendant à la création d’une telle commission d’enquête soit irrecevable.

Naturellement je regrette cette situation. D’abord parce que dans la législature précédente, je n’ai eu de cesse de multiplier les amendements visant justement à supprimer cette restriction. Vous pouvez retrouver ici la trace de ma dernière tentative. C’était en 2010 dans le cadre de l’étude d’une proposition de loi déposée par B. Accoyer « tendant à renforcer les moyens du parlement« . Vous pouvez aussi lire l’opposition du ministre de l’époque.

Ensuite parce que notre pays est le seul à connaître ce type d’entraves à l’action d’un parlement. Rien ne le justifie bien au contraire et certainement pas l’argument selon lequel une commission d’enquête parlementaire perturberait la sérénité de la justice. En effet, le but d’une telle initiative n’est pas de rechercher un coupable mais d’analyser les dysfonctionnements de mécanismes étatiques et de proposer des aménagements.

Enfin, je ne crois pas qu’en définissant même avec beaucoup de précaution le champ de travail de la commission d’enquête nous pourrions éviter de nous faire opposer l’ordonnance de 1958. Un magistrat enquête sur ce que l’on appelle « l’affaire Merah » et à lire les articles, on constate qu’il en aborde toutes les facettes notamment en convoquant les responsables de la DCRI.

On trouvera ici encore la note faite sur le 28 avril 2009 sur un blog que je tenais dans lequel je revenais sur ce sujet.

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8 réponses à Affaire Merah : commission d’enquête ou pas ?

  1. M. Le Prèsident,
    Cher Jean-Jacques,
    Je connais cette objection quant aux demandes de commission d’enquête parlementaire.
    Je sais aussi que l’on a su s’en affranchir.
    Exemples : Outreau, la Corse (prèsidée par Jean Glavany sous le gouvernement Jospin).
    Dans ce dernier cas, on ne peut pas dire qu’il n’y avait pas d’enquêtes judiciaires en cours ;-)
    Bien amicalement,
    François de Rugy

    • Hélas cher François l’argument d’Outreau confirme à l’inverse l’interdiction. En effet la commission n’a pu commencer à travailler qu’une fois les verdicts de la cour d’assises de Saint-Omer du 2 juillet 2004 et de celle de Paris, en appel, du 1er décembre 2005 prononcés… La résolution demandant la création de la commission d’enquête déposée par Philippe Houillon fut en effet enregistrée à l’Assemblée le 5 décembre 2005.

  2. Sebastian M dit :

    @ F de Rugy : la commission Glavany portait sur l’utilisation des fonds publics en Corse ; une autre a été présidée par R Forni sur l’organisation des forces de sécurité en Corse et non sur l’affaire Erignac; l’argument de JJU ne connaît donc pas d’exception

  3. torrpen dit :

    La commission d’enquête sur les activités de l’autoproclamé Service d’Action Civique ne s’est -elle pas déroulée alors que l’enquête judiciaire sur la médiatique « Tuerie d’Auriol » était active?voir le rapport publié par les éditions Alain Moreau
    Alors que la DGPN (dont dépend la DCRI) s’autoproclame sur son site officiel en http://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/Presentation-generale/Deontologie-et-controle sous le contrôle de la CNIL et que celle-ci saisie renvoie à la DGPN comme garante elle – même de sa vertu (juge et partie), on peut s’interroger sur la manière dont les Institutions Républicaines garantissent la Déclaraation des Droits de l’Homme (et du Citoyen):
    ARTICLE XII

    La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc constituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
    ARTICLE V

    La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
    (les paragraphes précédents figurent sur le site du Ministère de L’Intérieur)
    Censuré dans l’extrait du Ministère de l’Intérieur figurait également:
    Article XVI

    Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

    cordiales et démocrates salutations

  4. torrpen dit :

    à nouveau bonsoir,
    bizzarement dans les extraits de la Déclaration des Droits de l’Homme du site de la DGPN ne figure pas non plus l’article 15 (censuré par M. Guéant)
    Article XV

    La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

    Circulez, braves gens, il n’y a rien à voir (comme je l’ai déjà écrit sur ce blog)
    la déontologie veille sur vous et votre
    ARTICLE X

    Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.

    ARTICLE XI

    La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

    bonne nuit

  5. Monsieur le Président
    L’enquête parlementaire sur la catastrophe d’AZF serait donc une entorse de taille à l’article 6 puisqu’elle fut conduite et rendue publique 5 ou 6 ans avant la clôture de l’enquête judiciaire.
    De mémoire, il me semble qu’à l’époque personne n’avait émis la moindre objection.
    Meilleurs sentiments

    • Bonjour
      La création de cette commission d’enquête constitue justement une parfaite illustration des contraintes posées par l’ordonnance. Il suffit de lire le compte rendu de la commission qui s’appelait à l’époque « de la production et des échanges » pour s’en rendre compte. Sur les 7 propositions de résolution déposées, seule une seule fut retenue… parce qu’elle ne rentrait pas dans le champ de l’enquête judiciaire. Son objet était de « la protection des personnes comme de l’environnement contre le risque biologique, technologique et industriel » et ne visait pas le drame AZF.
      A lire http://www.assemblee-nationale.fr/11/cr-cpro/01-02/c0102002.asp
      Espérant avoir répondu à votre attente
      Bien cordialement

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