Censure de la LOPPSI par le Conseil Constitutionnel

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La très sévère décision aura des conséquences bien plus profondes que le Ministère de l’Intérieur ne voudra bien l’admettre, en effet :

1°/ Le CC considère comme irrégulière la délégation de missions de surveillance générale de la voie publique à des personnes de droit privé, tout en réaffirmant que de telles missions ne pouvaient que relever de la « force publique » :

2°/ Le CC retoque l’accroissement de la capacité judiciaire et des missions des policiers municipaux en censurant la possibilité que certains accèdent à la qualité d’APJ de l’article 20 du Code de Procédure Pénale et leur possibilité de procéder à des contrôles d’identité.

Or, ces deux axes étaient présentés comme des moyens majeurs de compenser un certain désengagement de l’Etat dans sa mission de police générale.

Le CC vient donc rappeler que l’Etat ne peut pas déléguer ces missions et doit les assurer avec ses moyens propres, et il le fait de façon particulièrement claire en parlant de missions « inhérentes » à l’exercice de la force publique, qui n’appartient qu’à l’Etat.

On voit mal dans ces conditions comment le gouvernement va pourvoir continuer à vendre son projet d’extension de la vidéosurveillance puisque, par définition, il ne pourra reposer que sur des personnes publiques tant au plan des matériels que des effectifs que des investissements, collectivités territoriales ou Etat, et donc sur les revenus de la fiscalité.

Et si la vidéosurveillance censée remplacer partiellement la présence physique des policiers sur la voie publique ne se développe pas, la question du sous-effectif policier va se poser de façon critique, et d’autant plus critique que même si la vidéosurveillance se développe elle ne pourra le faire qu’au travers d’agents publics.

La politique de diminution des emplois publics liés à la sécurité vient de prendre du plomb dans l’aile…

De même toute l’économie d’une articulation fonctionnelle entre polices municipales et Police/Gendarmerie nationales qui était avancée pour justifier d’une baisse des effectifs des forces de sécurité nationales se trouve anéantie : les policiers municipaux ne peuvent dépendre des policiers nationaux dans la mesure où les premiers ne sont pas sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

C’est ainsi que nous l’avions analysé notamment au travers de l‘incohérence qui résidait entre un policier municipal qui aurait été « agent de police judiciaire« en dépendant du Maire alors que l’officier de police judiciaire de la Police et de la Gendarmerie Nationale ne dépendent que de l’Etat, et qu’aux termes de la loi le premier a pour mission de seconder le second…

Par ces deux aspects le Conseil recentre clairement les missions de sécurité sous la responsabilité de l’Etat, et limite les possibilités d’intervention des autorités publiques locales. Le moins qu’on puisse dire c’est que c’est contraire aux orientations du gouvernement !

L’annulation du système de fonds de concours pour financer la Police Technique et Scientifique s’inscrit dans la même logique. Là encore le gouvernement a voulu se décharger de ses obligations en faisant financer la modernisation des moyens techniques de la police par des fonds privés… et bien il va falloir trouver des budgets publics ou alors laisser la PTS en rase-campagne, alors même que le gouvernement et le ministère de l’Intérieur tablent publiquement sur les progrès technologiques pour optimiser la résolutions des crimes et délits… Encore une fois ces beaux projets se révèlent contraires, dans leurs modalités, aux valeurs fondamentales de la République et d’un Etat qui assume l’intégralité de ses obligations constitutionnelles.

Au fond, ce que nous dit le Conseil c’est que les missions régaliennes de l’Etat ne se privatisent ni ne se délèguent.

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6 réponses à Censure de la LOPPSI par le Conseil Constitutionnel

  1. David dit :

    « L’annulation du système de fonds de concours pour financer la Police Technique et Scientifique  »

    La création du CNAPS prévoit elle aussi que son financement soit à la charge des sociétés de sécurité privée. N’y a-t-il pas la aussi matière à discussion ?

    En effet, il est assez anormal d’observer qu’il est prévu que l’organe de contrôle de des sociétés de sécurité privée sera financé par ces dernières.
    Surtout qu’il est également prévu qu’elles participent aux organes dirigeant du CNAPS.

    Les contrôlés sont alors contrôleur mais aussi financiers des de l’organe de contrôle.

    On marche sur la tête !

  2. David dit :

    Désolé pour les fautes, j’écrivais en étant au téléphone.

  3. Allan dit :

    la faute est corrigé sur le monde

  4. Pierre KAY dit :

    Votre conclusion , Monsieur le député est on ne peut plus claire « les fonctions régaliennes de l’Etat ne se privatisent ni ne se déleguent » ;quiconque ne respecte pas cette primauté ne mérite plus d’être reconnu comme républicain .

  5. stef dit :

    avec tout le respect qu’on vous doit Mr le Deputé ,sachez qu’un Maire est le plus petit agent de l’Etat ,sous contrôle du Préfet dans sa circonscription ,et qu un Maire est OPJ de fait a l art 16 du code Pénal
    « C’est ainsi que nous l’avions analysé notamment au travers de l‘incohérence qui résidait entre un policier municipal qui aurait été « agent de police judiciaire« en dépendant du Maire alors que l’officier de police judiciaire de la Police et de la Gendarmerie Nationale ne dépendent que de l’Etat, et qu’aux termes de la loi le premier a pour mission de seconder le second… »
    vous vous contredisez ,et si on respecte votre logique vous exposer une fausse vérité.
    enfin ,je pense que vous êtes en totale contradiction avec vos propos car un policier Municipal est APJA selon l art 21-2 et qu il est obligé de rendre compte et de seconder dans l exercice de ses fonctions un OPJ territorialement compétent .
    Dans la plus part des pays d Europe avec des gouvernements de tous bords ,la PM est omni présente et représente un réel soutien aux forces de l Etat .
    on pourrait débattre pendant des jours avec les arguments de chacun sur le rôle et l utilité de la Police Municipale en France ,mais une seule question se pose ?
    faut il une police locale qui accomplit ses missions propres de manière autonome sur un territoire et dans la limite de ses compétences ? ,ou faut il la dissoudre ,pour laisser a la Police Nationale son role de securité publique ,sur un territoire qui n est pas le sien pour assurer ses missions régaliennes de façon objectives et independantes ?
    je pense que l’on vient d accoucher d’un bébé mort né …

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