Une sanction disproportionnée

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Jeudi dernier, je n’ai pas eu le temps d’en parler, le Président de la République a décidé de radier des cadres le chef d’escadron de gendarmerie Jean-Hugues Matelly.

Pour avoir publié un article en tant que chercheur du CNRS, critiquant le rapprochement gendarmerie-police au sein du ministère de l’intérieur, le Chef d’escadron Matelly se voit frapper par la sanction la plus lourde et sans doute la plus dégradante pour un militaire, le renvoi de l’armée.

Il faut par exemple rappeler qu’en des temps pourtant plus mouvementés,  le Général de la Bollardière s’était vu infliger deux mois de forteresse pour avoir critiqué l’usage de la torture en Algérie, mais n’avait pas été radié.

Dès lors, cette mesure apparaît aussi disproportionnée qu’inquiétante.

Disproportionnée, puisque c’est la première fois qu’un gendarme est radié selon une procédure réservée normalement aux gendarmes délinquants ou corrompus. Inquiétante car la radiation vient sanctionner un délit d’opinion puisque Jean Hugues Matelly, dans l’article incriminé, exprimait simplement ses craintes pour l’avenir de la gendarmerie.

Je n’oublie évidemment pas qu’un gendarme, parce que militaire est soumis à un devoir de réserve. Ce que je conteste, et je l’ai fait au nom du PS, c’est la lourdeur de la sanction.

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16 réponses à Une sanction disproportionnée

  1. Marc dit :

    en tant que militant socialiste de base et responsable d’une équipe CNRS, je crois que l’appartenance à cette institution est pour le président non une raison d’atténuer la sanction, mais une cause de sévérité accrue.

  2. seb dit :

    : « Il y a un principe simple. Les militaires ont le droit d’expression depuis la dernière réforme. Mais il y a un cadre, l’obligation de loyauté et le droit de réserve. On verra les choses en fonction de ce cadre-là ». (Hervé Morin, à propos du « gang » surcouf)

    Trois questions :

    1/ La « loyauté » mise en avant, concerne t elle les membres du Gouvernement…Ou bien le régime (la République) ? La France ? (Le pays) Ou encore le Souverain légitime ? (La Nation)

    En tant qu’employé, je dois être « loyal » à mon employeur. Mais, du fait de la DDHC de 1789, si cet employeur viole la loi, il est de mon devoir de le faire savoir. Et, en raison du même texte, si une loi est arbitraire, où ne correspond pas à la finalité voulu par la DDHC (lutter contre ce qui est nuisible à la Société) je ne dois pas m’y plier, sous peine de me rendre complice d’un régime corrompu.

    Si je lis la DDHC de 1789, la « force publique » est censée servir la Nation. Dès lors que des militaires considèrent que le pouvoir en place porte atteinte au service de la Nation – via un manque manifeste de « sureté » : droit fondamental d’un citoyen – la force de la DDHC de 1789 ne supplante t elle pas un « devoir de loyalisme » envers le Gouvernement ?

    Autrement dit, si un militaire doit, loyalement, mettre en oeuvre la politique souhaitée par le Peuple…Ce même militaire doit il pour autant le faire aveuglément ?

    La DDHC est très claire. Dire « j’ai obéis aux ordres » ne permet pas de se dédouaner de ses responsabilités. Pris comme çà, les forces de police, qui ont obéit à Vichy, sont doublement fautives : via le soutien à un homme qui a quand même fait un coup d’Etat ! Et vie le soutien à la politique du Furher, qui plaçait ainsi la France sous la dépendance d’un pays étranger !

    Par conséquent, ne peut on pas considérer que le Président de la République a outrepassé ses droits, en sanctionnant un homme qui sans s’opposer complètement au Gouvernement, a demandé un droit à l’expression, légitime, dès lors qu’il estimait que le Peuple n’avait pas demandé une telle chose (le « rapprochement » dénoncé ne figurait pas dans le programme de l’UMP) et que cette « réforme » portait atteinte à la sureté du territoire français, et donc par ce biais, à l’un des droits fondamentaux de l’Homme…Et du Citoyen ?

    Plus que la sanction en elle même, c’est la légitimité de la sanction qui me semble faire défaut. Loyalisme n’est pas aveuglement, ni vassalité.

    2/ Quel « chatiment » ont reçu les militaires « surcouf » ? Avec une comparaison, on pourra savoir si la décision est abusive ou non.

    3/ On parle du Président de la République. Mais si ce dernier est « le chef des armées » est il celui qui a le droit de les sanctionner ? Du moins peut il le faire sans le contreseing du Premier Ministre ? Il me semble bien que si le Premier Ministre « détermine la politique de la Nation » il est le seul – via M. Morin – a pouvoir sanctionner l’un des soldats…A condition que la sanction soit légitime.

    Si M. Sarkozy est le « connétable » de la France, il ne saurait prendre de décision sans l’aval du « roi » Fillon, qui se voit confier par la Constitution la détermination de la politique du pays…Et ses décisions ne sauraient être légitimes si elles violent l

  3. slb dit :

    Lorsqu’un militaire en vient à critiquer ouvertement les décisions politiques et lorsque le même militaire se permet de critiquer les forces de police civiles et leur représentation syndicale, je ne pense pas qu’on puisse parler de sanctions injustifiées.

    Ce Monsieur c’est juste « trompé » de métier et a oublié ce qu’est l’état de militaire.

    Posez vous la question de savoir ce qu’il adviendrait de la république si tout les militaires se comportaient de la sorte.

  4. seb dit :

    Sauf que ledit militaire a pour ambition – et personnellement je ne peux le lui reprocher, bien au contraire – de servir la France. Et c’est son devoir, justement, en tant que militaire, mais plus encore, de citoyen, que de faire savoir à son Souverain légitime – la Nation – la réalité d’une situation.

    Sans aller jusqu’à le comparer au Général De Gaulle, on ne peut s’empêcher de voir chez ces deux hommes quelques points communs.

    De Gaulle a eu raison avant tous les autres – qui n’en avait que pour « l’Europe allemande » – pourquoi ce militaire ne serait il pas dans une situation semblable ?

    Si la classe politique – du moins une partie de la classe politique – trahi la France…Comment reprocher à ce militaire de prendre le parti inverse ? A savoir celui qu’il croit, à raison ou à tort, être celui de la France ?

    Pour moi, le fait que ce coup bas vienne de l’UMP – qui se réclame du Général De Gaulle – est d’autant plus frappant que c’est condamner ce qui est sublimé par les livres d’Histoire ! Car qu’est ce que « l’appel du 18 juin » sinon une exposition de toutes les tarfufferies du pouvoir de l’époque ?

    Est ce que ce « rapprochement de la police et de la gendarmerie » ne serait pas la « ligne maginot » de 1940 ?

    Pour prendre un ex plus lointain, et qui n’a pas été mince dans l’Histoire de notre France, un certain Du Guesclin a expliqué aux Français pourquoi l’armée française se prenait systématiquement une branlée à chaque fois qu’elle rencontrait l’armée anglaise.

    Au départ, la noblesse française a contesté Du Guesclin.

    Quoi ? Au lieu d’aller se faire tirer facilement par les archers Anglais…On les imiterait dans cette tactique ?

    Quoi ? Au lieu d’envoyer une cavalerie lourde et exposée au combat, on pratiquerait, bien avant les Russes, la technique de la terre brulée ? Bref…On éviterait l’ennemi ? Atteinte à l’honneur de la chevalerie française !

    Et puis finalement, quand Charles V en a fait son « connétable » et lui a écouté les idées du brave Du Guesclin, d’autant plus facilement que Charles V n’était pas un homme d’épée (et pour cause il ne pouvait utiliser sa main de combat)…Chacun a compris que parfois il fallait agir plus en tacticien qu’en homme d’honneur.

    Qu’un militaire obéisse, c’est normal. Qu’un militaire agisse en automate, sans penser un instant à la France, ne l’est pas.

    Si ledit militaire constate que le pays, pour des raisons x ou y, par le faute de son équipe dirigeante, n’est pas à même de conserver son indépendance, parce que mal protégé, tant intérieurement qu’extérieurement…Il est normal que ledit militaire fasse fonctionner sa boite cranienne ! D’abord en alertant ses supérieurs…Et si ces derniers restent des automates, ou sont indifférents au sort de la France, en alertant les Français.

    C’est ce qu’à fait De Gaulle. C’est ce qu’on fait d’autres personnes aussi importantes.

    Il convient d’être un peu logique avec soi même. Ne serait ce que pour éviter des maux de têtes à la France. M. Chateaubriant a travaillé pour Napoléon. Il n’a pas cessé un instant – pour son bien – de critiquer la politique « familiale » de l’Empereur, qui n’avait pas l’air de comprendre que c’était là son principal point faible.

    Un certain Zola n’a pas hésité à accuser, et cela assez vertement, un Gouvernement que pourtant il soutenait ! Parce que Zola faisait le distingo entre « soutien inconditionnel à l’armée » et « soutien à l’armée sous condition ». Certes, Zola n’était pas militaire…Mais à l’époque critiquer l’armée était perçu comme un délit d’opinion.

  5. seb dit :

    « Posez vous la question de savoir ce qu’il adviendrait de la république si tout les militaires se comportaient de la sorte. »

    Et bien, si l’on se fie à la Seconde Guerre Mondiale, la « non désertion » du Général De Gaulle aurait entraîné la fin de la France française. Je veux dire par là que l’Allemagne nazie aurait gagné sur tous les plans. Et si l’on considère que, par miracle, les Américains se soient déplacés, la France se serait retrouvée dans le camp des vaincus. Elle en aurait conçu une revanche contre l’Allemagne nazie, responsable de sa déchéance, et on n’aurait jamais eu l’idée, un beau matin, d’essayer de réconcilier deux puissances européennes.

    Si l’on se fie maintenant à la 1ère guerre mondiale, je pense que si les militaires, du coté allemand comme du coté français, avaient eu le courage de déposer les armes – autrement dit, si lesdits soldats ne s’étaient pas battus aveuglément – on aurait pas eu des tombeaux répandus sur tout le territoire…Et pour quoi ?

    Sur le sort de l’Alsace Lorraine, on aurait pu simplement demander aux dits habitants ce qu’ils comptaient faire : soit rester Allemands, soit devenir Français. Mais bon, déjà à l’époque, le « référendum » n’avait pas bonne presse.

    Mais bon…Il fallait faire plaisir à Bismark, donc.

  6. Michel dit :

    Ce gars devait bien savoir avant de faire son comentaire à quoi il s’exposait. Il ne me semble pas que ce soit un simple trouffion de base.

  7. seb dit :

    « Ce gars devait bien savoir avant de faire son comentaire à quoi il s’exposait. »

    Mon grand père savait aussi à quoi il s’exposait pendant la guerre. Et bien qu’admirant le Maréchal Pétain – sous les ordres de qui il avait été – cela ne l’a pas empêché de rejoindre la Résistance, une fois qu’il a compris que son héros de la 1ère guerre mondiale était une marionnette, dans les mains de véritables salopards, dont le plus cher désir était de tuer la France a petit feu.

    Le seul loyalisme qu’on peut revendiquer est celui envers la France. Nul régime – y compris le moins pire de tous selon l’adage – n’est en droit d’exiger un loyalisme confinant à l’aveuglement. Et un droit fondamental de l’Homme et du Citoyen ne saurait être bafoué au motif d’un « devoir de réserve » abusif.

  8. Michel dit :

    Seb
    Je sais que vous avez la plume (ou plutôt le clavier) facile, mais de là à comparer cette histoire à celle du Maréchal Pétain, je trouve que vous allez un peu loin.
    D’autre part, ce Monsieur fait partie de la gendarmerie. Ces gens là, ainsi que la police en général ne cherchent pas toujours à comprendre pourquoi les autres expriment d’une façon ou d’une autre leurs manières de voir les choses.
    Quand ils nous arrêtent pour excès de vitesse par exemple (mais il y a pire), ils ne cherchent pas à savoir si on est d’accord, si on a les moyens de payer.
    Quand ils matraquent des manifestants qui se battent pour un emploi (ou tout autre chose), ils n’ont pas d’états d’âme en tous les cas apparents…

  9. jules grand dit :

    Cet ex-chef d’escadron avait annoncé sur le site gendarmes et citoyen sa stratégie , en 2007, se mettre en situation d’être sanctionné pour aller au Conseil d’état puis à la CEDH afin de faire évoluer la gendarmerie arrêtons de plaindre un homme qui mêne son combat de façon réfléchi!
    i

  10. seb dit :

    Mea culpa Michel. J’ai effectivement le « clavier » facile ! Sans aller jusqu’à dire que ce gendarme est dans la même situation que le G. De Gaulle, je constate néanmoins que les deux ont été confronté à la question : « servir l’Etat ou servir la France » ? Les deux me semblent avoir choisi (pour le premier c’est une certitude) la France.

    Les gendarmes ne sont pas les policiers. Je connais beaucoup de gendarmes et de policiers – du fait de ma profession – et je pense que les gendarmes sont un peu moins à suivre les ordres à l’aveugle.

    Quant aux problèmes que vous soulignez…Ils sont l’expression de l’ignorance des gendarmes/policiers comme des citoyens.

    Pour ex, pendant une dizaine d’années, les livreurs de ma société recevaient systématiquement une amende. Naif, je payais sans me poser de questions, me contentant de réprimander lesdits chauffeurs, en me demandant comment ces derniers pouvaient se faire systématiquement sanctionnés.

    Et puis, j’ai fini par demander quelques conseils à une avocate. En suivant les trajets des livreurs, nous avons situé plusieurs radars. Examen fait…Lesdits radars n’étaient pas conformes à la loi…Et augmentaient la vitesse des camions ! Et hop ! Amende ! « Bizarrement » après de longues explications et un procès…Mes livreurs n’ont plus jamais été embêtés ! Allez savoir pourquoi !

    Idem avec les manifestations. Stupidement, j’ai un jour accompagné mon épouse qui militait. Résultat ? Je me retrouve au poste, série de questions, photos, etc. Et finalement, je suis libéré après quelques heures d’attente. Et bien maintenant, je ne sors plus sans le « guide du parfait manifestant ». Remarques, gestes, je marque tout. Et je dois être connu des services de police comme « gêneur » ou « type particulièrement énervant car brandit la DDHC

  11. seb dit :

    à toutes les sauces ». Parce que quand je défile, personne ne vient plus m’arrêter, m’embêter, et j’en passe !

    L’ignorance…Voilà le problème. Parce que les citoyens ne sont pas suffisamment « armés » face à ce grave souci. Et les policiers/gendarmes utilisent l’intimidation qu’évoque leur statut pour se prendre, parfois, pour je ne sais trop qui. Dès lors que vous ne vous laissez pas faire, vous devenez « la terreur des policiers/gendarmes Rambo » ! En tout cas, je ne suis plus inquiété depuis que j’ai cessé d’obéir aveuglément.

  12. seb dit :

    A Jules

    Je suis allé sur ce site. Est ce le bon ?
    http://gendarmes-en-colere.forum2discussion.net/

  13. eric dit :

    les règles qui doivent commander au comportement du militaire sont connues et acceptées. Cet accord s’impose assez naturellement lors de l’engagement initial. Il est fait en conscience et structure en partie de la noblesse d’un office dont le but est le service de la République.
    Gardien armé, le gendarme, militaire, doit faire preuve de discernement dans une action dont l’objet est de préserver l’ordre public (principe de la violence légitime). Ses convictions politiques ne doivent pas perturber la qualité de son action. Il est donc astreint une neutralité et par voie de conséquence à des limites précises dans son expression publique : le devoir de réserve.
    Ce devoir n’a donc rien à voir avec un principe d’obéissance aveugle. Il me semble plutôt rejoindre un principe de responsabilité.
    Cette obligation doit pourtant être équilibrée par un engagement des chefs. Dans ce système militaire, il leur incombe de représenter les intérêts de leurs subordonnés.
    Or, l’arrivée au ministère de l’intérieur perturbe ce dispositif. D’abord parce que le poids des militaires dans ce ministère ne me semble pas très important. Ce ministère s’est organisé autour de centres de gravité différents de celui de la défense. Les équilibres y sont différents, les règles y sont différentes. Le poids politique des syndicats y est évident (si vous éprouvez le besoin de vous en convaincre allez sur les sites du snop, de synergie et d’alliance).
    le poids et l’influence des chefs militaires diminuent (même si j’ai le sentiment que cette perte de représentativité n’est pas un phénomène nouveau) alors se développe le sentiment de ne pas être défendu et s’organisent des contre pouvoirs dont celui de Matelly.
    cet évènement sonne comme la manifestation d’un mal être. Je ne vois pas encore ce qui pourrait l’atténuer.

  14. Ben dit :

    Une vidéo sulfureuse de soutien au CE Matelly sur youtube.com : Réunion d’urgence à l’Elysée ». Commentaires ?

    Réaction de JJU
    J’ai en effet visionné ce détournement du film « la chute ». Le chef d’escadron Matelly a bien des amis et Nicolas Sarkozy bien des ennemis…

  15. jules grand dit :

    Réalite du soutien à Matelly et consorts:
    Un soutien financier pour l’ex-commandant Matelly
    a été demandé sur le site G et C en huit jours environ 1700 euros ont été récoltés. Or ce site dit qu’il a 16000 inscrits dont 90% de gendarmes d’active soit les gendarmes ne sont pas très généreux (ils auraient donné moins de 20cts /inscrits) soit, et c’est surement l’explication, l’agitation créée par un groupe de forumeurs laisse la grande masse des gendarmes indifférents , sinon hostile

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