Le statut abattu

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La proximité de la coupure de l’été conduit à procéder au classement de bien des documents qui se sont entassés et dont j’avais prévu de parler.

Ainsi en est-il d’une incroyable proposition de loi déposée le 21 janvier 2009 et signée par 87 députés de droite dont Christian Ménard et Marguerite Lamour.

L’initiative est passée inaperçue. Elle pourrait pourtant être l’une des régressions majeures – et pourtant il y a l’embarras du choix ! – de la législature si elle venait à être adoptée. Elle prévoit d’instituer la liberté de recrutement par les collectivités locales.

Dans sa brutalité, ce texte nous ramène plus de 20 ans en arrière. Elle prévoit de transformer la règle en exception. Le recrutement de fonctionnaires sur concours ne serait maintenu que pour les agents effectuant des « missions régaliennes ». Pour les autres, le recours au contrat de travail de droit commun deviendrait la norme.

A mes yeux, au-delà de la précarité renforcée des emplois, c’est une certaine conception du service public qui est mis en cause. Le statut des fonctionnaires n’est pas un privilège social, c’est la garantie de l’indépendance des agents vis-à-vis du pouvoir politique.

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11 réponses à Le statut abattu

  1. Marc dit :

    Les exposés des motifs des textes de l’UMP sont généralement remarquables :

    >pour une meilleure compréhension de leur fonctionnement par l’usager

    comme la réforme des collectivités, il est suggéré que le système est complexe et incompréhensible (que font les régions, les départements…). Le politique joue la connivence « moi je n’y comprends rien, personne n’y comprends rien ».

    >Il s’agit d’adapter et de moderniser un statut que beaucoup considèrent >comme inadapté aux exigences actuelles d’une bonne gestion des >ressources humaines

    Novlangue ridicule avec tous les bons clés. Ses procédés et objectifs sont décrits (oups, on dit « décryptés », en novlangue) par ex. dans La Dissociété, J.Généreux et La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, Vincent de Gaulejac.

    Mais finalement, seuls les spécialistes lisent les exposés des motifs et ont dû comprendre qu’il y a là des écrits de marketing dignes du dos d’une boite de corn flakes, souvent décorrélé des articles de loi qui les suivent.

  2. Jean RAMBERT dit :

    La conception et les domaines du service public doivent faire l’objet d’une définition sans faille de la part du PS.
    Ce point est capital pour crédibiliser notre démarche et aujourd’hui il y a du chemin à faire.

  3. andré dit :

    Connaissant la député de Brest-rural il ne fait aucun doute qu’elle signe cette proposition de loi dans son seul intérêt.
    J’avais longtemps cru et espèré que les députés travaillaient et proposaient au nom de l’intérêt général.
    La pratique ploudalmézienne prouve malheureusement l’inverse:
    il faut pouvoir s’entourer de collaborateurs qui dépendent uniquement de vous et qui vous doivent tout.
    Il est vrai que l’actuelle maire- député est rentrée par protection au service de cette mairie qu’elle n’a jamais quittée depuis alors que les fonctionnaires territoriaux du haut de l’échelle n’y font pas long feu.
    Quatre secrétaires généraux dont le dernier collaborateur de cabinet recruté directement en 8 ans!
    Voila une preuve de cette volonté de supprimer l’indépendance des fonctionnaires vis à vis du pouvoir politique !

  4. Pierka dit :

    Malgré le statut de la fonction publique, les administrations sont plus gourmandes en travail précaire que le privé (emplois de cdd). Évidemment plutôt pour effectuer des travaux de petites mains (a-t-on déjà vu un directeur de service en cdd ou même en cdi de droit prive?). Précarité et soumission au pouvoir politique et administratif sont donc la règle pour ces précaires publics (qui ne touchent d’ailleurs pas de prime de précarité…). Sans vouloir être un esprit chagrin, la proposition de loi citée a le mérite de soulever la question de la réalité du fonctionnement de l’emploi public: qui pour se soucier de ces précaires publics?

  5. Fabien Moreau dit :

    Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de choquant dans cette proposition de loi, bien au contraire, et j’espère que non seulement elle sera votée, mais appliquée à tous. Je ne vois pas pourquoi certains travailleurs, sous prétexte qu’ils sont employés de l’Etat, devraient bénéficier d’un statut dont les effets pervers sont manifestes, au-delà même de la question de l’égalité.

  6. seb dit :

    Finalement, il y a (au moins) un avantage ! Les élus « de gauche » n’ont pas besoin de faire leur programme politique. L’UMP s’en charge !

    1. Si je suis élu…Je promets de ne pas faire de demande au préfet pour banaliser le travail dominical.

    2. Si je suis élu…Je promets de ne pas faire des serviteurs de l’Etat des personnes dépendantes du politique. Et choisi en fonction de critères policiens alors que la seule règle devrait être mérite, compétence, et capacité !

    3. Si je suis élu…Je promets de ne pas mettre en oeuvre le RSA, qui coûte cher et ne sert strictement à rien. (99,99% des Français utilisant un autre moyen que la municipalité pour garder leurs enfants)

    Ect.

  7. Marc dit :

    @pierka :

    rassurez-vous, les universités commencent à recruter des cadres A en CDD de 3 ans, les annonces se multiplient dans la mienne. On s’est battu pour que les secrétaires payées pendant 10 ans sur des bouts d’ANR puissent au moins être recrutées en CDI ; mais non, les CDI étaient réservés à la categ. A, le menu bétail étant interchangeable (chacun sait qu’une assistante super-efficace et sympa qui fait aussi de la finance publique se trouve à tous les coins de rue). La possibilité de recruter des categ A à l’université hors statut a été vendue à l’opinion comme le besoin de payer mieux que sur la grille standard des administratifs performants qui, sinon, seraient partis à San Francisco. Pourtant, certains EPST savent raccourcir les échelon, faire des reclassements adhoc….
    Résultat, tout le monde en CDD. Bientôt, tout le monde vacataire auto-entrepreneur ?

    Mais en Suède, pays que nous, socio-démocrates admirons tant, une défonctionnarisation massive a eu lieu et ça se passe correctement…
    Pays où n’importe lequel des scandales de l’ère Sarkozy aurait fait sauter le gouvernement, c’est la nuance qui ne nous donne pas confiance.

    Pierka, qui se souci de ces précaires publics, demandez-vous ?
    Je pense que le plan Sapin de résorption de la précarité dans les établissements publics avait beaucoup de qualité et a permis de titulariser, dans leurs fonctions actuelles, des personnes qui avaient fait leurs preuves. Ben, oui, plein de bonnes choses entre 1997 et 2002, mais ça a été souvent oublié…

  8. RR dit :

    Je fais partie d’un établissement public administratif qui, lorsque j’y suis entré, avait essentiellement des fonctionnaires.

    Je fus l’un des premiers CDIs à être recruté. Actuellement, l’établissement, sauf quelques détachements, ne recrute plus que des CDIs pour les postes permanents statutaires (la majorité) et des CDDs sur ressources « propres » ( CDDs sur contrats de recherche, CDDs
    ) plus les doctorants sauf s’ils sontallocatataires.

    Je pense que cela fonctionne … avec le souci cependant pour les CDDs debasculer sur des postes de CDIs (ce qui se fait, pas systématiquement, mais cela se fait).
    Les procédures de recrutements sont devenues claires (probablement améliorables)
    +++++++++++++++++++++++
    Ceci dit, je suis d’accord avec Seb sur son point 2 :
    « Si je suis élu…Je promets de ne pas faire des serviteurs de l’Etat des personnes dépendantes du politique. Et choisi en fonction de critères policiens alors que la seule règle devrait être mérite, compétence, et capacité  »
     »

    La proposition de loi n’est pas acceptable.

    Après les effets pervers que mentionne Fabien Moreau (j’en ai vu quand j’ai commencé), et bien cela s’analyse si on veut y remédier.

  9. JM dit :

    .
    A l’inverse, il faut reconnaître que certaines collectivités du Finistère, et non des moindres ne s’honorent pas du traitement infligé aux contractuels…

    La triangulation direction-syndicat-élus, qui parfois s’auto-annule, voir est indigente, en précarisant le statut des contractuels ne s’inscrit ainsi pas du tout dans l’esprit d’un service public à l’exigence du respect de l’humain.

    Il est évident que la volonté d’accès à une mission de service public est une démarche singulière, mais combien de salarié(e)s ont vu cette envie freiner « statutairement », alors qu’ils étaient du bout de la chaîne aussi bien du point de vue des usagers que de celui des chefs perçu(e)s comme des BONS fonctionnaires. Des concours réservés à des universitaires dans leurs exigences, aussi bien sur le fond que sur la forme et souvent sans aucun lien avec le poste visé sont davantage des épreuves d’élimination que de sélection de futurs agents loyaux du service public.

    Des formules souples et intermédiaires (concours sur titre, validation des acquis etc…) me semblent l’évidence, pour ne pas dénaturer les missions originelles du service public par des embauches directs, façon privé, ce qui ne peut que nuire à la qualité du service rendu, c’est incontestable et ce système serait très clairement dangereux. Mais aussi en retravaillant certains archaïsmes qui ne s’adaptent plus à l’évolution d’un service public de la plus grande qualité possible.

    Car aussi des accords qui d’une part envoient les personnels grossir les rangs du pôle emploi au bout d’un an de bons et loyaux services ou d’autre part à l’inverse qui font durer des CDD sur plusieurs années ne sont pas dignes de pratiques qui se doivent pourtant de montrer l’exemple.

    http://www.letelegramme.com/local/finistere-sud/quimper/ville/territoriaux-les-syndicats-denoncent-des-abus-23-06-2009-437766.php

  10. seb dit :

    A M. Urvoas : avez vous lu « ministère amer » ?

    Je trouve que c’est un excellent livre ! Si le PS reprenait les propositions du fonctionnaire qui a écrit le livre, en ne s’arrêtant pas que sur la question des salaires ou du statut – l’auteur aborde beaucoup de points importants – je suis sur que le PS retrouverait quelques couleurs auprès des fonctionnaires, qui en désespoir de cause font le choix de Bayrou.

    Résumé du livre :

    « Où partent nos impôts ? A quoi servent-ils réellement ? Vous êtes-vous jamais posé la question, en dépassant le stade des on-dit et des a priori ? Ministère amer, témoignage original et sans concession, vous apporte enfin une partie de la réponse. A la suite de Monsieur Z, découvrez les dessous d’un grand ministère français. Embauché en qualité de contractuel dans le cadre d’un CDD de trois ans (sic!), pétri d’illusions et de bonne volonté, convaincu qu’il peut, lui aussi, à son échelle, contribuer au bien de la collectivité, Monsieur Z va découvrir, au fil de ces trois années, que la réalité est sensiblement différente de ce qu’il imagine… Saviez-vous par exemple que 70.000 à 80.000 euros sont dépensés chaque mois en frais de transport parce que Monsieur le ministre et son staff préfèrent systématiquement le jet privé au TGV (gratuit pour eux en Première), et ce quelle que soit la destination? Saviez-vous que chaque changement de ministre entraîne une re-nomination (inutile) du ministère ? Changer le nom d’une telle structure coûte à chaque fois plusieurs centaines de milliers d’euros. Celui décrit dans Ministère amer emploie par exemple 40.000 agents. Imaginez un instant les cartes de visite, les plaques d’imprimerie, les papiers à entête, les enveloppes, les imprimés, les formulaires divers et variés qu’il va falloir rééditer. A vos frais ! Et la ‘crise’ de la grippe aviaire, parlons-en… Une crise, croyez-le ou non, quand on est ministre, ça ne se subit pas. Ça n’est pas qu’une tuile qu’il faut gérer tant bien que mal en collant des rustines à droite à gauche. Une crise, dans l’immense majorité des cas, ça s’orchestre ! Et de quelle manière ! Peu importe que l’on organise la psychose publique, que l’on sinistre au passage tout un secteur d’activité (les producteurs avicoles), l’essentiel est de se montrer, de prouver que l’on sait gérer lesdites crises. Sans compter l’immobilisme titanesque, l’incapacité chronique de cette structure à permettre les projets pour lesquels Monsieur Z a été engagé. Sans compter l’état de déprime généralisé qui affecte les uns et contamine les autres. Sans compter ces salariés épuisés, incompétents ou tout simplement inutiles, qu’on maintient à leur poste à grands frais, et que l’on ‘console’ à grands renforts de primes et d’avantages pécuniaires dispendieux. Payés avec quoi, je vous le demande ? S’il a choisi de conserver l’anonymat, les anecdotes qu’il livre ici, toutes plus folles et affligeantes les unes que les autres, sont parfaitement authentiques. Il a décidé de les livrer pour que ceux qui le suivront le fassent en connaissance de cause (75% des jeunes diplômés français rêvent de devenir fonctionnaires …) »

    Et si le PS stupéfait le monde (non c’est trop)…Pardon la France…Heu ! Disons les militants PS (au moins) en se faisant entendre sur des thématiques où on ne l’attend pas ? En traquant, en cette période de sinistrose, le moindre petit sou dépensé par l’Etat ? En se faisant les partisans de la « réforme » mais de la vraie réforme, qui n’a pas pour but de précariser encore plus les fonctionnaires…Mais qui a pour but d’améliorer leur sort, en se basant sur le témoignage, sans concession de l’un d’entre eux ?

    Et si le PS enquêtait – soit seul (après tout le parti obtient des subsides de l’Etat pour le fonctionnement du parti) soit via les Institutions (enquêtes parlementaires) sur la possible instrumentalisation de la grippe A, chose déjà dénoncée par un député UMP, par le Gouvernement ? Et sur le coût pour le citoyen, de cette instrumentalisation ?

    Idem, concernant les frais des Ministres, du Président. Ect.

    Je l’ai déjà dit…Mais c’est en décrédibilisant le Gouvernement et la Présidence que le PS arrivera à comprendre que oui, il peut gagner en 2012. Mais encore faut il qu’il le veuille.

    Mais pas seulement : en faisant aussi des propositions.

    Concernant le traitement des fonctionnaires territoriaux, je partage l’avis de JM : ce n’est pas toujours la grande classe. Alors défendons le service public, et les serviteurs de l’Etat…Mais que les élus, dès lors, ne commençent pas par des bétises !

  11. au moins , et c’est un minimum , que le statut soit claire et que les organisation syndicale n’est pas de problème à défendre aux prud’homme un dossier!
    Maintenant sur la philosophie du sujet , c’est un problème majeur et c’est à la collectivité de décider , ce qui relève de la fonction publique ou du secteur marchand! Donc ceci relève d’une action politique claire avec des propositions claires elles aussi!

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