Election en Turquie

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turc.jpgLes turcs votent aujourd’hui. Ces législatives anticipées devraient mettre un terme à la crise politique qui a éclaté en mai dernier quand le parti islamo-démocrate, au pouvoir depuis novembre 2002, l’AKP a présenté un candidat à l’élection présidentielle dont l’épouse porte le voile.

Si cette formation devait remporter la consultation comme les sondages l’indiquent, elle serait tout simplement le premier parti, dans l’histoire de la République turque, à être ainsi récompensé par ses électeurs et reconduit dans son mandat. L’AKP n’aurait donc pas souffert des troubles occasionnés par l’élection manquée d’ Abdullah Gül.

Ce succès sera cependant quelque peu gâché par les perspectives plutôt sombres d’une élection présidentielle qui sera la première et délicate mission du futur Parlement, puisque le chef de l’Etat, est élu par les députés. A moins que l’AKP ne réussisse à obtenir la majorité des deux tiers au parlement, il rencontrera les mêmes obstacles qu’il y a quelques semaines. Conscient de ce piège, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan a ainsi déjà annoncé qu’il n’insisterait pas pour maintenir son candidat et qu’il pourrait en accepter un autre.

Au plan européen, la reconduction de l’AKP confirmera aussi la volonté des électeurs d’une pleine et entière adhésion de la Turquie à l’Union.

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4 réponses à Election en Turquie

  1. Yilmaz Mehmet dit :

    bonjour,

    contrairement à ce qu’écrivait « le monde », ce n’est pas la première fois qu’un parti de la majorité sera reconduit.

    en effet, le parti DP (parti démocrate) a été élu à 52,68% en 1950, puis à 57,61% en 1954 (record de la Turquie) et enfin à 47,88% en 1957(toujours comme premier parti). Malheureusement son leader « Menderes », chef du mouvement et premier ministre de l’époque, fut pendu par les militaires suite à un coup d’Etat militaire des généraux qui voyait en lui une menace contre le régime laïcque. En vérité la démocratisation entreprise par Menderes menacé l’hégémonie des militaires qui se cachent derrière la laïcité.

    Aujourd’hui, alors que les urnes sont en train d’être dépouillées, il est question de savoir si l’AKP pourra disposer d’une majorité de 367 députés(le seul fait d’être élu à la majorité ne permet pas l’obtention de la majorité du nombre de député suffisant en vue de la modification de la Constitution) pour pouvoir entreprendre une révision générale de la Constitution et passer enfin à une constitution « civile » (la dernière est celle de 1982 et à été rédigée suite à coup d’Etat militaire).

    Dans cet élan, l’AKP devra élire le nouveau chef de l’Etat et poursuivre son action de démocratisation et de mise en conformité de la législation turque par rapport à l’acquis communautaire.

    Cette élection est donc délicate car elle décidera de la direction que prendra la Turquie ; soit la démocratisation soit le statu quo.

    J’espère que la démocratie regagnera une fois de plus et que la Turquie réussira le développement économique et la mise en valeur de son énorme potentiel.

    Cordialement,
    YILMAZ Mehmet

    Réaction de JJU :

    Vous avez évidemment raison pour le rappel historique. Je me plaçais dans le cadre constitutionnel actuel, c’est-à-dire celui que connait la Turquie depuis 1982.

    Pour tous ceux qui me font l’honneur de me lire, précisons alors que le Parti Démocrate que vous évoquez fut un parti de droite né d’une scission du parti unique alors au pouvoir, le PRP (Parti républicain du peuple), fondé par Ataturk. Ce dernier, nous sommes là en 1945, tenait entre ses mains tous les leviers de commande, cristallisant contre lui tous les mécontentements.

    La scission est d’abord le résultat d’une querelle de personnes : rivalité entre Ismet Inonu, successeur d’Ataturk, et Djelal Bayar, qui fut aussi un de ses lieutenant et qui s’irritait d’être relégué à un rang inférieur. Mais rapidement l’opposition qui se baptisa « démocrate » s’identifia aux aspirations de la bourgeoisie urbaine, de l’aristocratie foncière et de l’intelligentsia méditerranéenne. Si Djelal Bayar fut le symbole de ce mouvement, l’ « homme fort » fut Adnan Menderes, un riche propriétaire foncier, représentant les intérêts des plantations de la Turquie occidentale sur les bords de la mer Egée.

    Député d’Istanbul, il avait été jusqu’en 1945 un élu exemplaire. Mais, à part quelques critiques contre la réforme agraire, ses interventions seront peu importantes. C’est avec la fondation du Parti démocrate qu’il va pouvoir donner sa mesure. Inlassablement il parcourt les campagnes et les faubourgs, prêche la liberté politique et économique, promet la fin des restrictions, défend, face au système étatique fondé par Ataturk, la libre entreprise.Et c’est la victoire de mai 1950 où Menderes devient président du conseil.

    Et aussitôt commence une expérience vertigineuse. La plus grande partie des routes de Turquie sont des pistes « accessibles aux charrettes en période sèche ». Le gouvernement va couvrir le pays de voies spacieuses. Partout des barrages, des centrales électriques, des usines, des écoles, surgissent. L’industrie, le commerce, l’agriculture surtout, sont développés « Ã  la hussarde »: aucun plan, aucune doctrine, seuls les résultats numériques comptent. En quelques années la Turquie, qui possédait une dizaine de tracteurs, en compte 42 000.

    Trente ans après l’épopée kémalienne, la Turquie connaît une seconde révolution. La classe paysanne, c’est-à -dire 80 % de la population, se trouve entraînée dans un tourbillon de progrès : les villages reçoivent l’eau courante, l’électricité les cultivateurs vendent à prix d’or leurs produits, acquièrent des biens d’équipement, découvrent le superflu. Peu à peu la paysannerie va remplacer la caste des fonctionnaires urbains comme arbitre de la vie politique.

    L’artisan indéniable de cette révolution est Adnan Menderes. Mais il en est aussi le prisonnier. Pour se concilier les faveurs des campagnes, il autorise un retour progressif aux pratiques de l’islam, voire aux superstitions vigoureusement pourchassées depuis la révolution kémalienne.

    Et surtout, pour favoriser ce bouleversement de la structure interne, il sera nécessaire de trouver des crédits sans cesse plus importants.La victoire électorale de 1954 sera celle des « 42 000 tracteurs ». Mais pour financer le développement rural, la construction, les prêts agricoles, l’Etat manque de ressources. D’autant plus que l’entretien des forces armées-considérablement développées pour faire face aux menaces russes-absorbe près de la moitié du budget.

    Au début la difficulté est surmontable. D’excellentes récoltes trois années consécutives, des prix internationaux en hausse constante et surtout une aide américaine substantielle permettront au régime de prospérer. Mais bientôt apparaissent les vaches maigres : les prix mondiaux s’effondrent, les surplus agricoles sont invendables, les récoltes sont mauvaises. Les créanciers s’impatientent le coût de la vie augmente follement la monnaie se désintègre.
    En 1958 le gouvernement connaît un court répit qui va lui permettre de ranimer son économie. La révolution irakienne inquiète les Etats-Unis ils consentent par le truchement de l’OECE un prêt de 300 millions de dollars à l’allié turc. Mais l’effet de cette transfusion disparaît rapidement : le marasme économique frappe surtout les salariés et les personnes à revenus fixes. Le mécontentement gronde dans les villes pour la première fois depuis le califat, on parle de corruption, de concussion… Impuissant à dominer la crise, Menderes tente de juguler la critique : des lois d’exception s’abattent sur la presse, paralysent l’opposition.

    Aux dernières élections, en 1957, les démocrates conservent la majorité des sièges grâce à d’astucieuses manipulations, mais ils n’ont plus que 48 % des voix. Les villes, qui, en 1950, leur firent un triomphe, les conspuent maintenant ouvertement. Et le 27 mai 1960, un coup d’État militaire renverse le gouvernement en place. Adnan Menderes est arrêté puis pendu en 1961. Le président Bayar est emprisonné. Ce putsch paradoxalement marque le début d’une embellie démocratiqu, au point qu’il est souvent qualifié de coup d’État « progressiste ».

     

     

  2. Yilmaz Mehmet dit :

    L’AKP viens de remporter les élections avec 46,7%. la nouvelle Assemblée sera tripartite mais je pense que 3 autres partis seront représentés par le biais des candidats indépendants qui ne tarderont pas à réintégrer leur partis d’origine.

    Les turcs envoient plusieurs messages via ces élections.

    Le premier est que le processus de démocratisation est plus que nécessaire et doit donc continuer (le bras de fer entre les militaires et l’AKP semble être à la faveur de ce dernier, mais le match n’est pas terminé).

    Le second est que le peuple turc aspire aux valeurs européennes et mandate Recep Tayyip Erdogan à poursuivre dans le processus d’adhésion et ainsi continuer dans la voie qu’il avait ouverte.

    Le troisième est pour la France et en particulier pour Sarkozy. En effet, ce dernier doit prendre en considération la volonté du peuple turc à adhérer à l’Union Européenne. Certains députés européens interrogés par les chaînes turques faisaient la même remarque.

    Le quatrième est pour les américains : Bush devra prendre au sérieux le gouvernement formé par l’AKP mais surtout les revendications concernant la lutte efficace contre les terroristes du PKK.

    Le cinquième est que le peuple ne voit pas d’incompatibilités entre les valeurs fondamentales de la République de Turquie et les musulmans démocrates que sont l’AKP, punissant ainsi les faux défenseurs de la laïcité tel que le parti républicain CHP.

    Seul bémol, l’AKP ne dispose pas de 367 députés pour élire d’un premier tour le futur Président de la République. Par conséquent, soit la nouvelle Assemblée siègera dans son intégralité, permettant ainsi l’élection au troisième tour du candidat de l’ AKP par son propre groupe, soit Erdogan devra trouver un consensus avec les nouveaux parlementaires pour mettre un terme à la crise institutionnelle (selon une décision contreversée de la Cour constitutionnelle turque, il faut absolument une présence d’au moins 367 députés à l’Assemblée pour procéder aux tours qui éliront le Président de la République ; c’est cette décision qui a provoqué la crise institutionnelle et bloqué le système).

    J’espère que contrairement à la précédente législature, les nouveaux locataires de la Grande Assemblée Nationale de la Turquie seront plus constructifs et auront un seul but : faire évoluer la démocratie en Turquie.

    Cordialement.
    Yilmaz Mehmet

  3. noël dit :

    Curieux, M. Mehmet ne parle qu’incidemment du PKK, c’est-à-dire des kurdes dont la situation est loin d’être figée, quand on voit ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, l’Irak. Un jour ou l’autre, la situation des kurdes en Irak, s’ils arrivent à ce degré d’autonomie auquels ils aspirent, et grâce aux revenus du pétrole, entraîneront ipso facto des aspirations légitimes sur tous les fronts et en turquie en particulier.

    Cette situation, comment est-elle évaluée actuellement?

  4. Yilmaz dit :

    pour Noël,

    Bonjour. Vous savez je pense que les commentaires des médias français et la méthode qu’ils ont de relater les faits en s’inspirant d’une source unique et voulant avoir une vision simpliste ne contribuent pas du tout à bien saisir le problème kurde en Turquie.

    Pour vous assurer, sachez que moi même je suis d’origine kurde. Cela ne m’empêche pas d’aimer mon pays « la Turquie ».Pendant des siècles les peuples kurdes et turques ont vécus en toute fraternité. Les dernières élections montrent bien que les kurdes sont bien intégrés. En effet, bien qu’il y est des députés indépendants kurdes qui ont fait toute leur campagne sur des arguments pro-kurdes, il n’en reste pas moins que c’est l’AKP qui a remporté les suffrages. L’AKP a été le premier parti partout en Turquie (sauf 3 départements). Force est donc de constater que les kurdes comme les autres ont votés pour un parti ayant une vision intégrale de la Turquie et non figé sur des problèmes locaux.

    Concernant, la situation des kurdes. Il est vrai qu’il y a encore quelques difficultés sur ce point. Les droits fondamentaux sont au manque. Cependant, ceci n’est pas un problème propre à la partie de la Turquie à forte population d’origine kurde. En effet, le manque d’effectivité totale de démocratie est le problème de tous les turcs. Ainsi, la venue de celle-ci sera profitable à tous qu’il soit d’origine kurde ou autre.

    Pour mieux comprendre : il existe un peuple breton (même si pas reconnu constitutionnellement) en France. Les attentats commis par certains extrémistes ne peuvent en aucun cas être imputé à toute la bretagne. De plus cela ne montre pas que les tous les bretons demande une indépendance. Quand on vote pour un député breton c’est pour qu’il résoud les problèmes nationaux à la base. Certes il va représenter les intérêts locaux mais pas parce que c’est la bretagne mais parce que c’est sa circonscription d’élection.

    Enfin, sachez que dans ma ville (BINGÖL, Est de la Turquie) l’AKP a fait 71,53% et le candidat indépendant pro-kurdes a fait 13,8%. Ca veut tout dire non?

    Merci de m’avoir lu.

    Yilmaz Mehmet

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