Le Blog de Jean-Jacques Urvoas » Lois suivies http://www.urvoas.org Tue, 07 Oct 2014 12:45:38 +0000 en hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.2.1 Réponse à l’éditorial du Monde http://www.urvoas.org/2014/09/18/18723/ http://www.urvoas.org/2014/09/18/18723/#comments Thu, 18 Sep 2014 12:43:37 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=18723 Continuer la lecture ]]> Tribune publiée dans le Monde daté du 20 septembre 2014.

Le projet de loi de lutte contre le terrorisme suscite bien des réactions, ce qui est utile au regard des menaces qu’il vise à combattre et des moyens qu’il se propose de mobiliser pour atteindre ses objectifs. Par le biais de son éditorial du 16 septembre, Le Monde a relayé quelques-unes de ces critiques, apportant crédit à des accusations aussi simplistes qu’erronées.

Ainsi avance-t-il que les socialistes auraient « baissé la garde » en accordant leur quitus à un texte liberticide et inefficace qui marquerait une « petite victoire du terrorisme ». En outre, par la multiplication des « mesures d’urgence et les entorses au droit commun », la France se fondrait dans une logique d’espionnage massif à l’américaine.

La charge claque comme un sermon de Savonarole, elle se réfère à l’extrait d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (arrêt Klass de 1978) pour dénoncer « les dérives de l’Etat de droit ». Or la citation est parfaitement spécieuse car elle omet opportunément l’élément conclusif majeur de cet arrêt : « La Cour doit donc admettre que l’existence de dispositions législatives accordant des pouvoirs de surveillance secrète de la correspondance, des envois postaux et des télécommunications est, devant une situation exceptionnelle, nécessaire dans une société démocratique à la sécurité nationale et/ou à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales. »

Et c’est bien dans cette perspective que s’inscrit scrupuleusement le texte adopté à l’unanimité par la commission des lois, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Conformément aux règles de droit commun, les quelques restrictions indispensables aux libertés individuelles sont strictement proportionnées à l’acuité d’une menace barbare dont personne ne peut nier le caractère impérieux ; elles sont au surplus encadrées par des voies de recours juridictionnelles précises et efficaces.

Ainsi l’interdiction de sortie du territoire pour des individus suspectés de vouloir rejoindre des zones d’exactions terroristes peut-elle faire l’objet d’un référé liberté devant le juge administratif ainsi que d’un recours en excès de pouvoir.

Quant au dossier motivant cette décision, et contrairement à la fable souvent répétée ici ou là, il sera bien évidemment accessible au juge administratif et aux avocats du plaignant, selon une jurisprudence exigeante et déjà ancienne du Conseil d’Etat. A moins de dénier à la juridiction administrative sa qualité de juge des libertés acquise sans ambiguïté depuis la fin du XIXe siècle, nul ne peut donc parler de pouvoir exorbitant. De surcroît, l’immense majorité des articles du projet de loi confie des leviers d’investigation au juge judiciaire et aux services de police placés sous son autorité. Alors qu’il eût été légitime de renforcer les moyens des services de renseignement pour prévenir la commission d’attentat, le gouvernement a souhaité armer le juge judiciaire, soucieux de ne pas lui ôter la prééminence qu’il occupe depuis 1986 dans la lutte contre le terrorisme.

La principale innovation réside donc dans la création d’un délit d’entreprise terroriste individuelle dont j’avais effectivement repoussé l’idée dans un rapport de mai 2013. Depuis lors, la menace terroriste a radicalement changé et près de mille ressortissants français se sont rendus en Syrie, la plupart pour participer à des décapitations, des lapidations, des crucifixions et des exécutions de masse. Or ces combattants ont été entraînés et formés par des organisations terroristes qui les exhortent à retourner chez eux pour y commettre des attentats à la première occasion. Aux groupes structurés des années 1990 a succédé une cohorte de terroristes isolés prêts à se saisir de la moindre opportunité, du moindre relâchement pour passer à l’acte. Cette prise en compte d’une réalité brûlante impose une évolution quant aux réponses à apporter. Les magistrats du pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris sont d’ailleurs pareillement conduits à réclamer aujourd’hui ce qu’ils repoussaient voici quelques années.

Il faudrait encore défendre le contrôle parlementaire des services de renseignement, expliquer comment la lutte antiterroriste ne saurait contaminer le reste du droit pénal, démontrer l’efficacité de notre modèle et notre chance de vivre dans un pays ayant su jusqu’à présent déjouer les projets d’attentats… Mais en réalité, tous ces arguments, aussi rigoureux et précis soient-ils, ne suffiront pas à emporter la conviction de ceux qui refusent d’abandonner leurs a priori.

En réalité, les adversaires du texte partagent une même hostilité de principe à toute législation antiterroriste, position dont chacun mesure combien elle est délicate à assumer et à justifier auprès de nos concitoyens.

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Régime juridique des animaux http://www.urvoas.org/2014/09/17/regime-juridique-des-animaux/ http://www.urvoas.org/2014/09/17/regime-juridique-des-animaux/#comments Wed, 17 Sep 2014 15:04:50 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=18731 Continuer la lecture ]]> Comme beaucoup de députés, j’ai été alerté par les représentants de la FDSEA sur un amendement discuté dans le cadre du projet de loi sur « la modernisation et la simplification du droit » .

Ils s’inquiètent des éventuelles conséquences d’un amendement adopté en première lecture à l’initiative de Jean Glavany et qui consacre l’animal, en tant que tel, dans le code civil afin de mieux concilier la nécessité de le qualifier juridiquement et sa qualité « d’être sensible » (terme utilisé dans l’art. L 214-1 du code rural), sans pour autant en faire une catégorie juridique nouvelle entre les personnes et les biens.

J’ai naturellement procédé aux recherches qui s’impose avant que la Commission des lois n’en redébatte ce jour puisque la deuxième lecture approche après l’échec de la CMP. Elle aura en effet lieu le 13 octobre prochain.

Les juristes de la FDSEA se trompent. Cet article ne fait que rapprocher le droit français des législations adoptées par nos voisins (Allemagne, Suisse et Autriche notamment). Il met ainsi notre code civil en conformité avec le droit de l’Union Européenne, qui reconnaît aussi que l’animal est un « être sensible » (art. 13 du traité sur le fonctionnement de l’UE).

En fait, sans remettre en cause l’équilibre existant dans le code civil, il prend mieux en compte la spécificité de l’animal.

Ni la chasse, ni la pêche, ni la consommation de viande, ni les pratiques d’abattage conformes aux textes en vigueur ou la corrida ne sont évidemment remises en cause, l’article ne faisant que transposer au code civil des règles déjà existantes dans notre droit et présentes dans d’autres codes.

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Réforme territoriale encore http://www.urvoas.org/2014/07/15/reforme-territoriale-encore/ http://www.urvoas.org/2014/07/15/reforme-territoriale-encore/#comments Tue, 15 Jul 2014 17:17:50 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=18491 Continuer la lecture ]]> C’est sans doute ce soir ou dans la nuit, que va débuter dans l’hémicycle, la discussion du projet de loi dit  » de réforme territoriale » . Une fois de plus, ce sujet fut discuté lors de la réunion du groupe socialiste. Une fois de plus, j’ai dit mon appui à la proposition de carte reposant sur le statu quo pour la Bretagne et les Pays de Loire.

Je sais que cette position est contestée en Bretagne. Nombreux sont ceux qui, comme moi, auraient aimé que cette discussion législative soit l’occasion de solder le lancinant sujet du rattachement de la Loire Atlantique et ce, d’autant que le sondage publié ce week-end réaffirme le choix majoritaire des Bretons. Mais, comme souvent il faut faire des compromis et comme le Président de la République a clairement indiqué que le débat sur le périmètre des régions n’était pas ouvert, le choix n’existe qu’entre le statu quo et la naissance d’un « grand ouest mou » .

Je sais aussi que cette position n’est pas toujours comprise par les députés des autres régions. Quand de grandes régions vont naître, ils interprètent le statu quo comme un « repli identitaire ». Ils évoquent même parfois le « communautarisme« . C’est à eux que je me suis adressé ce matin rappelant cette phrase de François Mitterrand, dans « l’Abeille et l’Architecte »,  selon laquelle « la civilisation commence par l’identité » .  Et aussi, que l’on n’imagine pas le gouvernement espagnol effacer la Catalogne, ni le gouvernement britannique proposer de rapprocher le Pays de Galles avec une autre région.

Évidemment je ne suis pas revenu sur l’argument géographique tant il est aisé de rappeler que la Bretagne est aussi grande que la Belgique, et sa superficie supérieure à celle de la Slovénie. 11 länders sur les 16 que compte l’Allemagne sont plus petits, ou comme 11 communautés espagnoles sur 18. En Italie toutes les régions sont plus petites que la Bretagne…Et avec 3,3 millions d’habitants, la Bretagne est aussi peuplée que 7 pays de l’Union Européenne.

Et j’ai surtout insisté, et je le referai dans l’hémicycle sur l’atout que représente le statu quo pour notre dynamisme économique. Ainsi par exemple sur le site de l’INPI (la protection des marques), on dénombre 878 « Bretagne » , 577 « Breizh » et seulement 89 appellations « Pays de la Loire » et seulement 11 qui unissent d’une manière ou d’une autre les mots « Loire » et « Bretagne » . Pourquoi donc abîmer ce qui fonctionne ?

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La probation est une mission de service public http://www.urvoas.org/2014/07/01/la-probation-est-une-mission-de-service-public/ http://www.urvoas.org/2014/07/01/la-probation-est-une-mission-de-service-public/#comments Tue, 01 Jul 2014 08:20:27 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=18432 Continuer la lecture ]]> Mardi prochain aura lieu à l’Assemblée, la Commission Mixte Paritaire concernant le projet de réforme défendu par Christiane Taubira.

Cette structure qui rassemble 7 députés et 7 sénateurs aura du travail tant les versions adoptées par les deux chambres divergent. Au rang des différences figure la décision votée par le Sénat de confier le suivi intégral d’une mesure de probation à une association et non comme aujourd’hui à un service public de l’exécution de la peine.

Cette novation, proposée par deux sénateurs socialistes, Dominique Guillot et Mohamed Soilihi, soutenus par le rapporteur Jean-Pierre Michel, contre l’avis du Gouvernement, crée un grand trouble. Nombre d’associations ou de syndicats oeuvrant dans ce domaine ne comprennent pas la démarche tant à leurs yeux, comme l’écrit le SNEPAP-FSU « il ne s’agit pas de partenariat, ni de collaboration, mais de la substitution du secteur privé associatif au service public de la justice en matière d’exécution de la peine ».

J’avoue aussi être dubitatif par cette disposition dont il est légitime de penser qu’elle peut entraîner une confusion. S’il ne peut être question de se passer des associations dans la réinsertion des condamnés, à mes yeux, la mission de l’exécution de la peine est une mission qui relève de professionnels qui doivent être formés pour proposer une prise en charge et un suivi complet et adapté à chaque situation. C’est donc pour moi une partie de la sphère publique.

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Décaler la réforme pénale http://www.urvoas.org/2014/04/06/decaler-la-reforme-penale/ http://www.urvoas.org/2014/04/06/decaler-la-reforme-penale/#comments Sun, 06 Apr 2014 14:01:23 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=17945 Continuer la lecture ]]> La commission des lois devait commencer à étudier mercredi dernier le projet de loi relatif « à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines « . Comme je l’avais indiqué ici le 31 mars, le changement de gouvernement a nécessité une adaptation du calendrier.

C’est ainsi que la réunion du 2 devant être consacrée notamment à l’audition de la garde des sceaux fut annulée le mardi puisque le gouvernement de Jean Marc Ayrault n’existait plus et celui de Manuel Valls n’était pas encore constitué.

La conférence des présidents qui fixe l’agenda parlementaire va se tenir mardi 8 à 10 h. Elle connaîtra alors les intentions du Premier ministre.

Sans attendre, j’ai indiqué mon souhait que l’étude du texte un peu hâtivement baptisé « Réforme pénale » soit décalée.

Cela relève du bon sens. En effet, l’entrée en fonction d’une nouvelle équipe entraîne un réajustement des priorités. Et il ne m’apparaît pas que les électeurs aient placé au coeur de leurs préoccupations, les enjeux auxquels aspire à répondre le texte défendu par Christiane Taubira. Ce serait donc un curieux message que de mobiliser prioritairement du temps parlementaire pour traiter ces questions.

Ensuite, même si le rapporteur Dominique Raimbourg a réalisé un travail de titan, la période électorale ne lui a pas permis de disposer d’interlocuteurs totalement disponibles. Or notre ambition est grande puisque nous voulons, par ce texte, non seulement, moderniser et clarifier le droit des peines et leurs modalités de mise en œuvre afin d’améliorer leur efficacité au regard de leurs fonctions mais en plus garantir et conforter les droits des victimes tout au long de l’exécution des peines.

La confirmation de Christiane Taubira et le renouvellement de son cabinet va donc permettre maintenant d’affiner quelques propositions du rapporteur, voire de suggérer de nouveaux amendements pour que ce texte trouve une « cohérence » selon le mot utilisé par la garde des sceaux hier lors d’un colloque organisé vendredi à Paris par l’Association nationale des juges de l’application des peines (Anjap).

Il nous faut donc un peu de temps. L’essentiel est que cette réforme soit votée en 2014 pour produire des effets concrets avant la fin de la législature. Nous verrons le temps dont le gouvernement souhaite disposer pour que l’Assemblée débatte de textes économiques et sociaux mais il ne serait pas acceptable d’une part que l’étude de cette réforme ne soit pas entamée avant la suspension estivale et d’autre part que celle-ci se fasse sous la forme d’une procédure accélérée qui limite de fait les pouvoirs d’amendements des parlementaires.

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Géolocalisation judiciaire, saisine du Conseil Constitutionnel http://www.urvoas.org/2014/03/03/geolocalisation-judiciaire-saisine-du-conseil-constitutionnel/ http://www.urvoas.org/2014/03/03/geolocalisation-judiciaire-saisine-du-conseil-constitutionnel/#comments Mon, 03 Mar 2014 09:39:27 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=17648 Continuer la lecture ]]> Le projet de loi relatif à la géolocalisation a été adopté lundi dernier par l’Assemblée nationale et le Sénat en recueillant une quasi unanimité des groupes parlementaires (seuls les verts se sont abstenus).

Au cours de l’examen de ce texte, a été introduite à l’article 1er du projet de loi, par voie d’amendement, une disposition, codifiée à l’article 230-41 du code de procédure pénale, permettant de disjoindre du dossier de la procédure certains éléments dont la connaissance est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, des membres de sa famille ou de ses proches et alors qu’elle n’est ni utile à la manifestation de la vérité, ni indispensable à l’exercice des droits de la défense.

Aux termes de ces dispositions, il appartiendra au juge des libertés et de la détention, saisi à tout moment par requête motivée du juge d’instruction, d’autoriser, par décision motivée, que n’apparaissent pas dans le dossier de la procédure : la date, l’heure et le lieu où le moyen technique permettant la géolocalisation en temps réel a été installé ou retiré ; l’enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d’identifier une personne ayant concouru à l’installation ou au retrait de ce moyen technique.

Le nouvel article 230-41 prévoit également que la décision du juge des libertés et de la détention est jointe au dossier de la procédure. Les informations soustraites du dossier de la procédure sont inscrites dans un autre procès-verbal, qui est versé dans un dossier distinct, dans lequel figure également la requête du juge d’instruction. Ces informations sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance.

Au cours des débats parlementaires, la question s’est posée de savoir si ce dispositif qui entend permettre de protéger les personnes qui concourent à l’action de la justice respectait le principe des droits de la défense auquel chacun est naturellement profondément attaché.

C’est la raison pour laquelle, même si je suis convaincu que la rédaction finalement adoptée entend traduire cet équilibre, il m’a semblé indispensable de sécuriser les procédures pénales qui pourraient se fonder sur le nouvel article 230-41 du code de procédure pénale. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au groupe socialiste de saisir en application de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel afin qu’il puisse se pencher sur ce dispositif.

La ministre de la Justice, au nom du Gouvernement, a également appelé de ses vœux une telle initiative, faisant état du caractère inédit du dispositif et d’un « petit espace d’incertitude juridique », qui, en la matière, ne peut demeurer, selon nous, comme tel.

C’est maintenant au Conseil qu’il appartient de se prononcer.

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Amendement Fenech, une regrettable initiative http://www.urvoas.org/2014/02/25/amendement-fenech-une-regrettable-initiative/ http://www.urvoas.org/2014/02/25/amendement-fenech-une-regrettable-initiative/#comments Tue, 25 Feb 2014 19:15:18 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=17644 Continuer la lecture ]]> Jeudi, dans l’hémicycle, nous allons débattre d’une belle proposition de loi. Déposée à l’initiative d’Alain Tourret député radical de gauche, elle vise à réformer les procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive.

Hélas, le débat risque d’être perturbé par un amendement écrit par Georges Fenech député UMP.  Il propose d’étendre la possibilité du pourvoi prévu dans le texte au seul bénéfice de la personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit, à la condamnation d’une personne préalablement acquittée. Cette suggestion d’apparent bon sens est ardemment supportée par le très mal nommé « institut pour la justice » dont l’excès n’est plus à démontrer.

Je vais intervenir dans la discussion pour m’opposer à l’adoption de cet amendement. En effet, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen donne son fondement à la garantie des droits dont tout individu doit bénéficier. Cette garantie des droits est elle-même liée au droit à la sûreté entendu comme « sûreté juridique » qui figure à l’article 2 de la Déclaration de 1789. Ainsi, le droit au juge, le respect des droits de la défense, la sécurité juridique, dans ses acceptations multiples, relèvent des droits ainsi garantis par l’article 16.

Or l’impossibilité de remettre en cause les décisions de justice passées en force de la chose jugée constitue l’une des manifestations les plus intangibles du principe de la sécurité juridique que peuvent revendiquer les individus.

Le Conseil constitutionnel a reconnu de manière très affirmée la force de la chose jugée au travers de sa jurisprudence relative aux validations législatives. Si le législateur peut valider des actes administratifs ou de droit privé contestés devant les juridictions il ne peut le faire que de manière très limitée et sous certaines conditions.

L’intérêt général doit absolument prévaloir comme le souligne le Conseil constitutionnel, faute de quoi la garantie des droits des personnes ayant engagé des actions serait méconnue : « il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la Déclaration de 1789 s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ». Le Conseil constitutionnel ajoute que la loi de validation, quand bien même elle répondrait à un intérêt général suffisant, ne saurait, en tout état de cause, aller à l’encontre des décisions de justice déjà rendues et ayant force de chose jugée , c’est-à-dire la force qui s’attache à une décision juridictionnelle qui, en substance, n’est plus susceptible d’aucun recours hormis un recours en cassation.

On peut donc faire le raisonnement selon lequel la méconnaissance de la force de la chose jugée et, partant, de la garantie de droits au sens de l’article 16 de la Déclaration de 1789 dont elle consubstantielle, n’est possible que si elle a pour finalité le respect même de la garantie d’un droit de même niveau. C’est le cas lorsqu’il s’agit de faire en sorte qu’un individu, indûment condamné, puisse voir son innocence reconnue.

Tel n’est pas le cas, en revanche, lorsque la personne en question a été acquittée. Le droit subjectif de la personne acquittée à la stabilité de sa situation juridique rencontre ici les impératifs objectifs de l’ordre public qui imposent que les décisions ayant force de la chose jugée bénéficient de la présomption légale de vérité qui s’attache au jugement définitif, condition même du respect de l’autorité judiciaire.

En fait, dans de pareils cas, il faut revenir à l’essentiel. Ce que Portalis, père du code civil, résumait ainsi : «L’office de la loi est de régler l’avenir ; le passé n’est plus en son pouvoir. Partout où la rétroactivité serait admise, non seulement la sûreté n’existerait plus, mais son ombre même.»

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Langues régionales, vote demain http://www.urvoas.org/2014/01/27/langues-regionales-vote-demain/ http://www.urvoas.org/2014/01/27/langues-regionales-vote-demain/#comments Mon, 27 Jan 2014 17:01:17 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=17478 Continuer la lecture ]]> Demain, en fin d’après-midi, l’Assemblée Nationale va se prononcer par un vote solennel sur la proposition de loi constitutionnelle que j’ai présentée la semaine passée. Vous pouvez retrouver le dossier législatif sur le site de l’Assemblée en cliquant ici.

J’ai entendu bien des critiques venant des associations engagées dans la promotion du bilinguisme. Elles sont évidemment respectables mais il me semble que pour le législateur, il est indispensable de bâtir un texte d’une solidité juridique à toute épreuve, nous mettant à l’abri des déconvenues que, sur ce dossier, nous n’avons que trop souvent enregistrées dans le passé.

Il nous faut aussi bâtir un texte susceptible de rassurer les plus prudents (et ils sont nombreux dans tous les groupes politiques) et les plus frileux, condition sine qua non pour rassembler – demain – la nécessaire majorité parlementaire des deux tiers quand viendra le Congrès que j’appelle de mes voeux.

C’est dans cette perspective qu’il faut aborder la proposition de loi constitutionnelle. Elle apporte toutes les garanties afin que ces deux obstacles soient levés. Aucune autre formulation ne le peut – ou en tout cas ne le peut aussi bien…

Je suis en effet un pragmatique. Mon objectif est que la Charte soit ratifiée, non de me faire plaisir en feignant de défendre un texte certes susceptible de susciter l’enthousiasme des cercles militants de Bretagne ou du Pays basque mais dont je sais qu’il est à coup sûr condamné à l’échec.

Que chacun s’en convainque, la sortie de l’impasse ne peut se trouver que dans le compromis, dans le renoncement aux postures intransigeantes, non dans l’illusoire triomphe d’un camp sur un autre.

A chacun, donc, de prendre ses responsabilités, de consentir, ou non, à faire un pas vers l’autre. Quelle que soit l’attitude, constructive ou fermée, qu’au final chaque député adoptera, une chose est en tout cas certaine, c’est que, si nous nous montrons incapables de saisir l’opportunité qui s’offre à nous, elle risque fort de ne plus se représenter avant très longtemps.

Je veux redire aux défenseurs des langues régionales qui siègent dans l’hémicycle, sachez vous satisfaire du possible quand l’idéal est hors de portée. Nous le savons bien, la Charte est avant tout un symbole. Mais sa ratification par la France témoignerait à mon sens d’une sorte de révolution copernicienne, culturelle et politique, qui offrirait – enfin ! – à nos langues régionales les moyens de leur épanouissement.

Y renoncer pour des questions rédactionnelles somme toute très secondaires, ce serait comme s’employer soi-même à refermer et à cadenasser à double tour une porte dont, des décennies durant, on a réclamé à cor et à cri l’ouverture. Il est des inconséquences dont on ne se remet jamais…

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Langues régionales, le chemin est tracé http://www.urvoas.org/2013/12/24/langues-regionales-le-chemin-est-trace/ http://www.urvoas.org/2013/12/24/langues-regionales-le-chemin-est-trace/#comments Tue, 24 Dec 2013 16:42:33 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=17240 Continuer la lecture ]]> Le Premier ministre avait réservé l’annonce pour son déplacement breton à Rennes vendredi 13 décembre : nous allons enfin pouvoir débattre des langues régionales au parlement !

Comme il en a la possibilité, le gouvernement inscrira donc dans son « ordre du jour prioritaire », la proposition de loi constitutionnelle n°1618 que le groupe socialiste a déposé le 10 décembre dernier (Je suis navré mais mon hébergeur a visiblement modifié l’arborescence de mon blog car je n’arrive plus à insérer le lien permettant d’accéder au texte). Cela se fera en deux temps, d’abord devant la Commission des lois le 14 janvier à 17 h, puis ensuite dans l’hémicycle le 22 janvier.

C’est évidemment une excellente nouvelle qui a recueilli une large approbation dans les régions où cette aspiration résonne depuis des années (http://www.lexpress.fr/actualite/politique/les-langues-regionales-bientot-mieux-reconnues_1307662.html).

Ceux qui me lisent connaissent mon engagement. Ils se rappellent peut-être que dès mon élection à la présidence de la Commission, j’avais rédigé un rapport d’information disponible sous ce lien (http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/implications_constitutionnelles_charte_langues_regionales.asp). Son contenu trouve maintenant sa concrétisation.

Mais cette étape venant d’être franchie, il ne faut pas baisser la garde. Les défenseurs des langues devront se rassembler car ce sujet n’est pas consensuel. C’est ce que viennent par exemple de faire le département du Haut Rhin et la Collectivité territoriale de Corse qui se sont associés pour promouvoir ensemble leurs langues. Ainsi dans une déclaration d’intention, les deux collectivités affirment vouloir  »mener en concertation des actions pour favoriser la reconnaissance du bilinguisme et amplifier leurs actions publiques« . La démarche est intelligente car les embûches seront nombreuses tout comme les tentatives de dévoyer le débat.

Certes nous pourrons nous appuyer sur l’engagement de François Hollande de ratifier la Charte des Langues régionales mais je ne doute pas que l’on trouvera hélas des voix pour protester sur tel ou tel point de droit. Il ne faut pourtant pas se disperser en agitant les peurs. Les pas que nous allons faire ne remettront pas en cause l’existant, ils visent au contraire à permettre non seulement une reconnaissance réelle des langues régionales dans notre pays mais surtout les conditions de leur épanouissement.

Je reviens sur tous ces éléments dans un entretien accordé à Fanch Broudic publié sur son blog : http://languebretonne.canalblog.com/archives/2013/12/17/28682984.html.

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Loi contre le cumul le retour http://www.urvoas.org/2013/11/18/loi-contre-le-cumul-le-retour/ http://www.urvoas.org/2013/11/18/loi-contre-le-cumul-le-retour/#comments Mon, 18 Nov 2013 13:45:12 +0000 Jean-Jacques Urvoas http://www.urvoas.org/?p=17098 Continuer la lecture ]]> J’ai regagné l’Assemblée dès ce midi car cet après midi l’Assemblée étudie à nouveau le projet de loi « interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec les mandats de député, sénateur ou représentant au Parlement européen« .

Le terme du processus législatif approche. On se rappelle sans doute que par une large majorité de ses membres, l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture, le 9 juillet dernier, ce texte. Par contre, saisie à son tour en première lecture, la commission des Lois du Sénat l’avait rejeté le 11 septembre 2013. En séance publique, le 19 septembre 2013, les sénateurs l’avaient ensuite dénaturé puisque dans le texte voté, les sénateurs avaient adopté un amendement prévoyant qu’il soit appliqué  aux députés et aux députés européens, mais pas à eux-mêmes. Aussi est-ce sans surprise, que la commission mixte paritaire, réunie le 9 octobre 2013, a achoppé sur cette divergence.

En conséquence, l’Assemblée nationale a été à nouveau saisie, en nouvelle lecture. Et le 6 novembre 2013, la commission des Lois a rétabli le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

En particulier, elle a rétabli l’application aux sénateurs de l’interdiction de cumuler un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale. Pour le reste, la seule modification de fond porte sur le champ de l’incompatibilité entre le mandat parlementaire et les fonctions dites « dérivées » des mandats locaux (fonctions exercées aux sein d’établissements publics locaux, d’une société d’économie mixte locale, d’une société publique locale, etc.). Ainsi au lieu que l’incompatibilité s’applique à toutes les fonctions exercées au sein de ces organismes, ne seront visées que les fonctions de président et de vice-président (article 1er ter du projet de loi organique).

Les oppositions (UMP, UDI, mais aussi les radicaux de gauche) ont déposé 90 amendements et 4 motions de procédure. Nous allons donc travailler avec patience, en « faisant bloc » sur ce texte comme nous y invitait hier dans le JDD, le président du groupe socialiste au Sénat, François Rebsamen :-)

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