Supprimer la « race » de la Constitution

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François Hollande a pris l’engagement, hier, lors d’une réunion publique à Paris de supprimer le mot « race » de notre constitution.

Il y a 3 ans j’avais défendu, à l’occasion de la révision constitutionnelle, un amendement qui avançait cette suggestion en avançant l’idée de le remplacer par « origine ». Vous pourrez lire ici mon intervention. Elle n’était parvenue à convaincre la majorité UMP…

Reste que le débat m’a permis de creuser un peu plus ce sujet qui avait déjà fait l’objet d’un débat dans la précédente législature puisque le groupe communiste avait déposé une proposition de loi en mars 2003. Et à la réflexion, le sujet est moins simple qu’il paraît.

Certes, le terme de « race » est contraire à notre tradition constitutionnelle, et ce depuis 1789. Il est apparu dans notre droit constitutionnel de manière conjoncturelle et historiquement datée, en 1946, pour des raisons que chacun comprendra, au lendemain de l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, et à la demande de deux parlementaires insoupçonnables et de haute volée, Pierre Cot et Paul Ramadier. Ils avaient fait inscrire la phrase suivante dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. »

C’est ce qui permet à de nombreux constitutionnalistes, comme Guy Carcassonne d’estimer que cette phrase « a pour objet de dénier toute portée » au terme de race, ce que chacun comprendra. Il n’en demeure pas moins que ce terme figure dans notre texte constitutionnel et qu’il est, de mon point de vue, politiquement et juridiquement dangereux. Voilà pourquoi il est pertinent de le supprimer.

Evidemment, le discours raciste ne disparaîtra malheureusement pas mais par contre il sera impossible de lui donner une légitimité puisée dans notre loi fondamentale. Il faut néanmoins préciser que pour autant le mot « race » ne disparaîtra pas de notre droit positif puisqu’il figure notamment à l’article 1er de la Charte des Nations unies, mais aussi dans l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, dans l’article 3 de la Convention de Genève ou bien encore dans l’article 10 du traité sur l’Union européenne dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne et enfin dans l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de 2001.

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5 réponses à Supprimer la « race » de la Constitution

  1. Bloggy Bag dit :

    Le mot de race est une notion qui me hérisse le poil en particulier dans les textes récents comme la déclaration des droits fondamentaux.

    Le terme « origine » est trop vague : origine géographique, culturelle, biologique, religieuse, philosophique, …

    Les termes de génotype (les briques biologiques de l’individu) et de phénotype (l’apparence liées aux gènes et à l’environnent) sont à mon sens les plus appropriés en l’état actuel des connaissances scientifiques.

    Le terme « religion » doit également disparaître et être étendu.

    Cela pourrait donner à peu près cela : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de *génotype », de « phénotype » ou de *conviction et croyance spirituelle ou philosophique ». Son organisation est décentralisée. »

  2. Steph dit :

    et pourquoi ne pas assumer « sans aucune distinction » d’origine, de conviction, et de croyance sprirituelle ou philosophique.

  3. Steph dit :

    … en lisant le sujet précédent sur l’égalité homme/femme, il faudrait peut-être préciser « sans aucune distinction de genre, d’origine etc… » la place des femmes dans notre société est encore archaïque dans bien des aspects et parfois contraire aux droits de l’Homme, trop souvent traitée comme une « race » à part !

  4. seb dit :

    « Evidemment, le discours raciste ne disparaîtra malheureusement pas mais par contre il sera impossible de lui donner une légitimité puisée dans notre loi fondamentale. »

    Ha bon ? Pourtant, dès lors qu’on enlève l’interdiction de discriminer en fonction de la race…On l’autorise ! DDHC oblige ! La France – contrairement à ce que semble croire beaucoup de parlementaires – n’a pas de « vide de droit ». Quand ce n’est pas interdit, c’est autorisé.

    En enlevant toute interdiction de discriminer en fonction de la race…Vous donnez aux propositions de Marine un caractère républicain ! Celle ci aura beau jeu de remercier le PS pour ce « service » !

    Cette suppression, à vous entendre, n’aurait (par ailleurs) aucune raison d’inquiéter les victimes de ce genre de discrimination. Parce que, dites vous, la France est engagée auprès des autres pays, via l’ONU, via la Charte des Droits, via x ou y traité.

    « Il faut néanmoins préciser que pour autant le mot « race » ne disparaîtra pas de notre droit positif puisqu’il figure notamment à l’article 1er de la Charte des Nations unies, mais aussi dans l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, dans l’article 3 de la Convention de Genève ou bien encore dans l’article 10 du traité sur l’Union européenne dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne et enfin dans l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de 2001. »

    Le léger « souci » c’est que notre Histoire récente montre que « l’international » ou/et les engagements « européens » ne valent rien. En témoigne le silence absolu du PS – qui n’a pas ex jamais souligné l’inconstitutionnalité des budgets nationaux au regard du traité de Maastricht – sur le viol des traités -dernier ex en date le FESF ! Qui est une violation du traité de Lisbonne, de l’aveu même du Ministre ! Ou du rapporteure du PS ! Idem pour le MES qui contrevient au mandat non impératif des parlementaires ! – et s’il m’en souvient, le PS trouve tout a fait normal que les eurodéputés soient « élus » par leurs pairs…Alors que la Charte des droits le prohibe !

    Or, un citoyen « lambda » peut saisir le Conseil Constitutionnel, s’il s’aperçoit que la Constitution est violée par le Législateur (premier adversaire d’icelle) ou s’il veut faire reconnaitre ses droits et libertés.

    La saisie de la CJUE nécessite un tout autre arsenal, celui de la CEDH également.

    Autrement dit, sauf à être parlementaire comme M. VANNESTE, un citoyen lambda ne pourra pas faire reconnaitre qu’il est discriminé, devant une juridiction européenne ou/et internationale !

    Mieux encore, en supposant que Marine prenne la présidence, il lui suffira d’annuler nos accords – en suivant, par ce biais, l’ex des parlementaires de 1789 – qui nous lient, pour que le précieux « droit positif » n’ait plus lieu d’être !

    Au final, le citoyen lambda se retrouverait dans la situation des princes allemands, brandissant hautement le droit international…Lequel ne faisait pas le poids face à la nuit du 4 aout !

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