« Castration chimique » (2)

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Ce soir, je viens de recevoir le pré-rapport de Jean Paul Garraud sur le projet de loi sur la « récidive criminelle« .  Une fois de plus, cette majorité s’apprête à travailler dans l’urgence et à nous faire légiférer dans l’émotion.

Comment en effet ne pas relier ce texte que Mme Alliot-Marie viendra présenter devant la commission des lois mardi et que ladite commission étudiera mercredi (!) avec le contexte judiciaire ? Cela ne nous prépare pas des débats sereins…

A écouter les uns et les autres, l’intention du gouvernement est évidente. Il s’agit de renforcer l’usage de ce que la presse appelle bien maladroitement la « castration chimique » pour certains auteurs d’infractions sexuelles. Le sujet est complexe, c’est pourquoi il faut en mesurer toutes les dimensions.

La première est médicale. Quand on politise un traitement, on sort du champ médical. Il nous faut donc d’abord écouter les médecins et en leur sein les psychiatres. Or si leurs jugements sont mesurés, ils semblent partager une conviction : ces traitements sont efficaces mais ce n’est pas aux surveillants, aux juges ou aux politiques de les décider.

La seconde est politique.  Par exemple : pour la loi, un pédophile est-il un malade ou un délinquant ? S’il relève de la médecine, il n’a pas sa place en prison, mais en hôpital psychiatrique. S’il est un délinquant, il doit être puni et les médecins n’ont pas à intervenir dans la décision de le libérer.

Je ne crois malheureusement pas que nous allons esquisser ne serait-ce qu’un début de réponse..

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6 réponses à « Castration chimique » (2)

  1. baillergeau dit :

    Je regrette que ce soit une femme, MMA, qui mène ce combat à brides abattues.
    Je ne pensais pas que la parité aurait pu avoir cette conséquence.
    Quand on aura liquidé le problème des pédophiles récidivistes, il ne restera plus que celui des tueurs en série d’enfants, mais sans raisons sexuelles.
    Alors le retour de la peine de mort viendra à la surface et la boucle sera bouclée.
    Nier ou accepter la présence du mal dans la cité a occupé religieux et philosophes pendant des milliers d’années, ce n’est la pensée de primate de MMA qui finira par marquer l’histoire.

  2. anne dit :

    votre reflexion m’a fait rire!!!oui
    c’est d’une telle désolation ,mais en même temps elle montre bien les reflexes « primaires » du machisme .
    je me permet monsieur de vous conseiller un film qui passera a Brest le 3 décembre sur les dominations masculines.
    Peut être que cela permettra a votre inconscient de travailler un peu………

  3. baillergeau dit :

    anne dit : 31 octobre 2009 at 8:34

    Giroud disait que les femmes gagneraient leur égalité, quand elles auraient le droit d’être mauvaises en politique.
    MMA y arrive.
    Sur mon machisme, j’ai tout entendu, aussi je ne m’offusque pas de tes propos.
    Je veux te rassurer, je me soigne.

  4. florent dit :

    Un pédophile est-il un malade ou un délinquant ? Sauf votre respect, cette question ne me semble pas relever non plus du politique.

    En effet, si l’on parle du pédophile passant à l’acte (il existe aussi des pédophiles ne faisant que fantasmer – précisons le tout de suite, il n’existe pas d’outil permettant de prédire un passage entre le fantasme et l’acte), l’acte en lui-même le rend coupable d’une infraction et il est donc délinquant.

    Se pose alors la question de sa responsabilité pénale : seuls, 2 à 5% des délinquants sexuels sont irresponsabilisés et les maladies en cause sont très diverses : schizophrénie, trouble bipolaire de l’humeur, démence, débilité profonde, parkinson … mais aussi certains traitements médicamenteux anti-parkinsoniens ! Les maladies « responsables » d’une infraction sexuelle sont à la fois très rares et … trés diversifiées, ce qui tend à montrer que nous ne sommes pas dans la maladie mentale lorsque l’on parle de délinquance sexuelle. Irresponsabilisés, ils ne peuvent bien entendu être condamnés aux fameuses injonction / obligation de soins (même si, indiscutablement, ils ont besoin de soins).

    Pour les 95% pédophiles restants, ils sont délinquants et n’ont pas de maladie « irresponsabilisante ». Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas éventuellement des troubles : problème d’alcool et/ou trouble de la préférence sexuelle (l’enfant chez le pédophile, la personne âgée chez le gérontophile, etc) et/ou un « trouble de la personnalité », etc mais en tout cas pas un trouble qui a aboli leur discernement au moment des faits (art 122-1 du CP, expertise psychiatrique). A ce stade, il est important de préciser que la thèse de la « pulsion irrépressible » évoquée par certains délinquants s’effondre totalement lorsque l’on met en évidence (au cours du soin) qu’ils s’étaient par exemple préparés la veille … De « pulsion » on passe à « préméditation », cela n’entraîne pas la même sanction, et surtout cela illustre le côté parfaitement manipulateur de certains délinquants, experts dans l’art de « duper l’autre », l’autre étant le magistrat, le médecin, le CIP, l’entourage, les enfants, etc.

    La prise en charge sanitaire de ces troubles est aléatoire, non évaluée, difficile et demande des moyens supplémentaires (soignants spécialisés, recherches, etc) mais elle vaut le coup car il s’agit de protéger les enfants.

    Légiférer encore dans ce domaine est certainement nécessaire mais empiler en urgence des dispositions de plus en plus complexes alors que les soins ne sont pas organisés fait courrir de nombreux risques : notamment que de moins en moins de psychiatres oseront s’aventurer sur le chemin des soins, de l’expertise ou de la coordination (Loi du 17/06/98) et, plus grave, que notre société et nos politiques perdent toute crédibilité : comment légiférer en effet sur un traitement injectable qui a certes une autorisation de mise sur le marché (AMM du Salvacyl° en août 2007) mais qui n’est pas encore commercialisé ? La seule molécule actuellement disponible est en comprimé, ce qui pose indiscutablement la question de l’observance du traitement. Comment aussi interpréter le fait qu’une nouvelle loi ne s’occuperait plus seulement du « cadre légal » des soins (obligation ou injonction de soins) mais aussi de la « nature » des soins (« castration chimique ») qui est du domaine médical ?

    A quand, dans ce domaine sensible, une loi mûrement réfléchie, c’est à dire adaptée à la fois aux réalités de terrains (clinique, pénitentiaire et judiciaire) et au fonctionnement problématique des pédophiles ?

  5. baillergeau dit :

    florent dit : 31 octobre 2009 at 17:16

    Ton commentaire apporte des précisions bien utiles.
    Mon propos qui n’est pas celui d’un spécialiste de la chose, a pour but de dire que, même en ce domaine tragique, la société doit accepter une part de risque, sous contrôle, bien entendu.
    Si elle ne le fait pas, elle deviendra totalitaire.

  6. florent dit :

    Nous sommes bien d’accord. Préservons la démocratie notamment en évitant les lois à l’emporte-pièce où les magistrats vont, in fine, prescrire des médicaments et où les médecins vont, in fine, incarcérer des condamnés en signalant l’interruption du traitement. Si le sujet n’était pas aussi grave (protection des mineurs, respect des libertés), ce serait presque grotesque.

    D’accord avec vous pour dire que la part de risque est le prix à payer pour rester en démocratie.
    Mais, je peux vous assurer que la part de risque pourrait diminuer sans verser dans le liberticide. Il suffirait par exemple, d’appliquer la loi du 17/06/98 qui était d’ailleurs consensuelle, à gauche comme à droite. Mais pour cela il faut des moyens.
    Il faut aussi arrêter de croire, à gauche comme à droite, que les soins sont magiques, qu’ils sont incontournables ou qu’ils résolvent tout. Sur le terrain, les soins sont devenus un enjeu, dans les décisions d’incarcération, de libération et bientôt de rétention, alors que nous ne savons pas s’ils sont efficaces, si le délinquant qui vient consulter est authentique ou utilitaire dans sa demande. Et même si nous pouvons avoir parfois une idée, nous sommes tenus au secret médical.
    Il est sûr que les soins peuvent « aider » (sur le plan psychique) et ils seront d’autant plus efficaces (sur le plan social) si la justice assure vraiment à la fois le contrôle des obligations et l’accompagnement social.
    Mais ce long travail d’articulation entre judiciaire et sanitaire prend du temps, de l’argent, et les quelques avancées se voient balayées au premier drame. Apparaissent alors presque instantanément des lois qui se veulent complémentaires, qui se superposent, se contredisent presque.

    Un exemple concret ? dans la future loi, j’ai entendu parler d’un article qui stipulerait que « la rétention de sûreté n’est possible que si le condamné a pu bénéficier pendant sa peine d’une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée à son trouble ».
    A priori, cela paraît humain et républicain : si l’offre de soin en détention n’est pas disponible (« adaptée »), un détenu n’ayant pu se soigner ne devrait pas être orienté vers la rétention en fin de peine.
    Pourtant, si cet article se confirme, voilà ce que le psychiatre de la prison va devoir affronter : il convoque un délinquant sexuel pour lui proposer un suivi. Si le détenu accepte la prise en charge, cela peut conduire à des remises de peine mais cela lui ouvre aussi la porte à … la rétention de sûreté !
    Il va donc falloir trouver des psychiatres super motivés, extrêment habiles et particulièrement efficaces, pour convaincre les délinquants sexuels de se soigner durant la détention !

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