Vidéosurveillance, réponse au Figaro

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Le directeur adjoint de la rédaction du Figaro, Yves Théard, m’interpelle dans son éditorial du jour. Il s’étonne de ma position sur la vidéosurveillance.

Je me fais donc un plaisir de préciser mon point de vue. Il faut d’abord rappeler que les déclarations de Brice Hortefeux sur ce sujet ne marquent pas une orientation nouvelle du gouvernement de François Fillon.

En effet, depuis juillet 2007, Madame Alliot-Marie avait lancé un vaste plan d’équipement visant à « tripler », « d’ici la fin 2009», les capacités de vidéosurveillance existant en France afin « de protéger les Français contre le risque terroriste et un certain nombre de risques de violences ».

L’élément nouveau réside dans la publication par son journal d’un rapport de l’Inspection générale de l’Administration (IGA), un « service au dessus de tout soupçon » comme l’écrit Jean Marc Leclerc.

Or il y a 4 ans, un rapport de la même inspection générale intitulé concluait qu’un tel plan n’était pas « l’orientation souhaitable ».

Commandé en août 2005 par le ministère de l’intérieur pour étudier l’impact de vidéosurveillance dans la lutte contre le terrorisme en France, le rapport est signé P. Melchior qui écrit (p 12) : « Une politique d’équipement généralisé n’est pas l’orientation souhaitable pour les années à venir ; une définition de secteurs prioritaires est plus conforme à l’ordre juridique, aux contraintes financières et aux besoins opérationnels. (…) Tout d’abord, dans le cadre de notre organisation juridique, un équipement généralisé n’est pas souhaitable pour le bon exercice des libertés publiques. Financièrement, ce serait une solution extrêmement coûteuse, contraire au bon usage des deniers publics, qui peuvent être mobilisés contre le terrorisme par d’autres canaux, notamment par le renseignement. D’un point de vue opérationnel, la stratégie policière antiterroriste ne sortirait pas automatiquement renforcée d’une couverture très large du territoire. Trop d’images caméras tuent sinon les images, du moins la possibilité d’exploiter de façon intelligible un flux d’images surabondant ».

Et l’auteur du rapport concluait logiquement en appelant à une hiérarchisation des priorités et à un usage raisonné des systèmes de façon à cibler des espaces précis…

Sur le fond, l’un des objectifs affichés par Brice Hortefeux est de protéger les Français contre les risques de violences. Or, chacun commence à le reconnaître, les victimes se multiplient, « les atteintes volontaires à l’intégrité physique » n’ayant cessé d’augmenter selon les statistiques officielles. Il en est de même, depuis 1 an, avec les vols avec une arme à feu.

Ces chiffres ne font que confirmer ce que l’on savait déjà, en particulier grâce à la lecture des travaux de recherche menés par les criminologues britanniques depuis plus de 15 ans.

Que disent-ils ? La vidéosurveillance n’a pas d’effets dissuasifs concernant les infractions les plus graves commises contre les personnes (homicides, viols, agressions, etc.) ou les infractions commises avec violence contre des biens (attaques à main armée, etc.). Toutes les enquêtes publiées en Grande-Bretagne dressent le même constat.

Les chercheurs, dont la compétence n’a jamais été mise en cause Outre-Manche, ont rappelé à ce sujet des choses simples : les comportements de nature impulsive (liés à la consommation d’alcool ou de drogues par exemple) sont imprévisibles ; quant aux délinquants « professionnels », ils ont pris en compte depuis fort longtemps l’existence de dispositifs d’alarme et/ou de détection dans leur plan d’action.

L’an dernier, en matière d’élucidation, un haut fonctionnaire du Home Office (Mike Neville) faisait la déclaration suivante lors d’un colloque international consacré à la sécurité : « Des milliards de livres ont été dépensés, mais personne n’a pensé à réfléchir à la façon dont la Police et la Justice devaient utiliser ces images. C’est un fiasco [en français dans le texte] total : seuls 3% des crimes et des délits ont été résolus grâce à la vidéosurveillance. » (The Guardian, 6 mai 2008).

D’où mon interrogation sur le fait que le gouvernement français ne semble tirer aucun enseignement de l’expérience accumulée par nos voisins en matière de vidéosurveillance depuis plus d’une décennie ?

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12 réponses à Vidéosurveillance, réponse au Figaro

  1. Une très bonne analyse JJ, je me posais des questions sur l’utilité ou pas, maintenant je sais que trop de vidéo-surveillance ne veux pas dire plus de sureté !

  2. Democrazy dit :

    Z’avez remarqué le glissement sémantique de videosurveillance à videoprotection opéré par le ministère et les industriels chargés de vendre cette camelote (complaisamment repris par le fig’)?

    Et puis cette référence quasi systématique au « droit-de-l’hommisme »; c’est vrai quoi, c’est d’un démodé les droits de l’Homme.

    Le sarkozysme a gagné le bataile du vocabulaire. Pas davantage.

  3. Maurice-Alain Baillergeau dit :

    @Democrazy
    Je ne peux pas être d’accord avec la fin de ton dernier commentaire.
    Davantage que la bataille des mots que je crois déjà capitale, c’est la bataille des armes qui arrive automatiquement.
    Nous ne pouvons pas perdre la bataille des mots.

  4. seb dit :

    Merci pour ce post ! Quel dommage que le PS, voire la « gauche » en général, n’est pas le même bon sens que vous ! Il est très important pour moi que vous répondiez au « Figaro » (et j’espère que votre « droit de réponse » sera publié dans ses colonnes : pour ma part, j’ai écris à son directeur pour qu’il le fasse. Je ne vous assure de rien, mais bon, c’est déjà çà)

    J’apprends par la pravda du Gouvernement et du Président, que ce dernier (les régionales sont proches!) a prévu des déplacements pour parler, tenez vous bien, « insécurité »et « immigration clandestine » !

    Il est bon – même si vous êtes un peu seul sur le « créneau » – de voir qu’un élu « socialiste » peut parler de sécurité, thème fétiche, s’il en est, du Président. Bravo donc, pour tout !

    Je suis d’accord avec vous sur le fait que « le Gouvernement français ne semble tirer aucun enseignement de l’expérience accumulée par nos voisins en matière de vidéosurveillance depuis plus d’une décennie »…Mais le PS n’en tire pas plus les conséquences, puisque les élus régionaux, départementaux, et les maires, font de la surenchère, en permanence (et je sais de quoi je parle) en la matière ! Vidéosurveillance ceci, videosurveillance cela ! A ce que je sache, lesdits élus sont en majorité « de gauche » !

    Pour les élus, la vidéosurveillance, c’est la boite miraculeuse qui a l’incroyable pouvoir d’enlever tous les malheurs de la Terre ! Du moins, est ce là ce que la plupart des élus disent (du Président au maire)

    Car en réalité, la vidéosurveillance n’a qu’un seul avantage, et il est “politique” : la vidéosurveillance rassure les citoyens, et fait donc (provisoirement) tomber le “sentiment d’insécurité” des administrés.

    En effet, la vidéo surveillance, qui est un outil, et non un être en chair et en os, n’a qu’une seule mission : surveiller à distance un espace déterminé à l’aide de caméras. Point barre. Une caméra n’agit pas. Elle se contente d’observer. Et d’enregistrer ce qui se passe. Rien d’autre.

    Comme vous le dites, la videosurveillance n’est pas efficace…SUR LE LONG TERME.

    J’entends souvent les Ministres de l’Intérieur expliquer que cela permettrait d’éviter « le risque terroriste » : rien de plus faux ! Les attentats répétés contre des bâtiments publics (gendarmerie, perception, etc.) en Corse, pourtant équipés de caméras de surveillance, semblent plutôt indiquer le contraire !

    Qui plus est, s’agissant de l’utilité des enregistrements à des fins d’enquête, il faut souligner ici que les réussites, très médiatisées, sont rares car la tâche est immense et fastidieuse. En effet, une caméra saisit tout ce qui entre dans son champ de vision, sans égard à une cause précise, et la collecte est prolifique : un appareil traitant 25 images par seconde, c’est-à-dire plus de 2 millions d’images en 24 heures, dans un espace qui compte une vingtaine de caméras, un système capture plusieurs dizaines de millions d’images au cours d’une journée ! Il en résulte que la visualisation apporte toujours des informations excédentaires au regard de la finalité du dispositif. Ce qui, dans la pratique, soulève de sérieux problèmes aux enquêteurs ou aux opérateurs en poste devant leurs écrans. Mike McCahill et Clive Norris rapportent par exemple l’expérience de la police britannique en quête de l’auteur de plusieurs attentats à la bombe à Londres en avril 1999 : près de 1 100 vidéos, contenant plus de 25 000 heures d’enregistrement, ont été visionnées par une cinquantaine d’agents mobilisés pendant dix jours, avant de parvenir à identifier l’auteur de ces actes criminels.

    seb said
    on 2 juillet 2009 Plaidoyer pour enlever la videosurveillance en France…Ou du moins pour ne pas en faire l’élément miracle d’une politique de maintien de l’ordre public :

    1. La vidéo surveillance, c’est quoi ?

    Je commence par là, car quand j’interroge les élus, ils me disent souvent des approximations. Certains croient que cela sert à prévenir les risques d’attentats et les désordres urbains, à dissuader toute présence indésirable, à identifier les terroristes et les délinquants, à superviser l’action des agents de l’ordre sur le terrain, à rassurer les populations, etc.

    Bref, pour les élus, la vidéosurveillance, c’est la boite miraculeuse qui a l’incroyable pouvoir d’enlever tous les malheurs de la Terre ! Du moins, est ce là ce que la plupart des élus disent (du Président au maire)

    Car en réalité, la vidéosurveillance n’a qu’un seul avantage, et il est “politique” : la vidéosurveillance rassure les citoyens, et fait donc (provisoirement) tomber le “sentiment d’insécurité” des administrés.

    En effet, la vidéo surveillance, qui est un outil, et non un être en chair et en os, n’a qu’une seule mission : surveiller à distance un espace déterminé à l’aide de caméras. Point barre. Une caméra n’agit pas. Elle se contente d’observer. Et d’enregistrer ce qui se passe. Rien d’autre.

    2. La vidéo surveillance, çà marche ?

    Protéger les Français contre le risque terroriste ? Admettons qu’on pourrait se laisser convaincre…Si la vidéosurveillance avait déjà apporté la preuve de son efficacité ! Or, force est de constater que ce n’est nullement le cas !

    Les attentats répétés contre des bâtiments publics (gendarmerie, perception, etc.) en Corse, pourtant équipés de caméras de surveillance, semblent plutôt indiquer le contraire !

    Commandé en août 2005 par le ministère de l’intérieur pour étudier l’impact de vidéosurveillance dans la lutte contre le terrorisme en France, un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) est d’ailleurs venu confirmer ce que l’on savait déjà : « La lutte contre le terrorisme ne doit pas être un simple alibi pour équiper des secteurs entiers de l’environnement quotidien, sans réflexion approfondie sur l’utilité du dispositif. Dans cette réflexion, aucune question ne doit être éludée, en particulier celle de la contribution réelle de la vidéosurveillance à la prévention des actes terroristes. L’utilité des enregistrements vidéo aux fins d’enquête, lorsqu’un acte a été commis, est établie. (…) On voit moins nettement comment la simple présence de caméras peut empêcher d’agir un groupe de terroristes déterminés et prêts à mourir eux-mêmes. Au demeurant, si l’on a vanté la capacité des britanniques à disposer rapidement des images du commando terroriste [à Londres en juillet 2005], on a aussi remarqué qu’hélas, la vidéosurveillance n’avait pas empêché les terroristes d’agir. »

    Qui plus est, s’agissant de l’utilité des enregistrements à des fins d’enquête, il faut souligner ici que les réussites, très médiatisées, sont rares car la tâche est immense et fastidieuse. En effet, une caméra saisit tout ce qui entre dans son champ de vision, sans égard à une cause précise, et la collecte est prolifique : un appareil traitant 25 images par seconde, c’est-à-dire plus de 2 millions d’images en 24 heures, dans un espace qui compte une vingtaine de caméras, un système capture plusieurs dizaines de millions d’images au cours d’une journée ! Il en résulte que la visualisation apporte toujours des informations excédentaires au regard de la finalité du dispositif. Ce qui, dans la pratique, soulève de sérieux problèmes aux enquêteurs ou aux opérateurs en poste devant leurs écrans. Mike McCahill et Clive Norris rapportent par exemple l’expérience de la police britannique en quête de l’auteur de plusieurs attentats à la bombe à Londres en avril 1999 : près de 1 100 vidéos, contenant plus de 25 000 heures d’enregistrement, ont été visionnées par une cinquantaine d’agents mobilisés pendant dix jours, avant de parvenir à identifier l’auteur de ces actes criminels [5].

    Peut-on prétendre « lutter contre le risque terroriste » grâce à la vidéosurveillance et vouloir en même temps « couvrir le plus large territoire possible » ? La ministre de l’Intérieur (MAM alors)l’affirme avec beaucoup d’aplomb… alors même que ses conseillers les plus proches écrivent clairement le contraire !

    Une fois encore, la lecture du rapport de l’IGA est fort instructive : « Une politique d’équipement généralisé n’est pas l’orientation souhaitable pour les années à venir ; une définition de secteurs prioritaires est plus conforme à l’ordre juridique, aux contraintes financières et aux besoins opérationnels. (…) Tout d’abord, dans le cadre de notre organisation juridique, un équipement généralisé n’est pas souhaitable pour le bon exercice des libertés publiques. Financièrement, ce serait une solution extrêmement coûteuse, contraire au bon usage des deniers publics, qui peuvent être mobilisés contre le terrorisme par d’autres canaux, notamment par le renseignement. D’un point de vue opérationnel, la stratégie policière antiterroriste ne sortirait pas automatiquement renforcée d’une couverture très large du territoire. Trop d’images caméras tuent sinon les images, du moins la possibilité d’exploiter de façon intelligible un flux d’images surabondant. »

    Et contre la délinquance ? La vidéosurveillance est elle le graal que l’on attendait ? A l’évidence…Non ! En Grande-Bretagne des chercheurs professionnels ont élaboré des méthodes d’évaluation des dispositifs de vidéosurveillance et réalisé de nombreuses enquêtes sur le terrain. Ces études présentent un intérêt majeur dans la mesure où quasiment aucune recherche de ce type n’a été conduite en France]. Or, tous les auteurs s’accordent à souligner qu’il ne suffit pas de greffer des caméras dans les espaces urbains pour prévenir la délinquance. Pour quelles raisons ?

    D’abord, parce que bon nombre de comportements sont imprévisibles. C’est le cas, par exemple, des comportements de nature impulsive (personnes violentes ou agressives). La présence de caméras n’a jamais dissuadé des jeunes gens ivres de se battre à la sortie d’un bar alors que leur « honneur » est en jeu. D’autres comportements sont indétectables par un opérateur vidéo placé devant un mur d’écrans.

    C’est le cas notamment de l’action planifiée de délinquants « professionnels » (comme les pickpockets) qui ont pris en compte depuis fort longtemps l’existence de dispositifs d’alarme et/ou de détection. Ensuite, pour user d’une métaphore technicienne, il faut admettre que les propriétés intrinsèques de la vidéosurveillance sont fort éloignées de celles d’un missile balistique autoguidé. A vrai dire, on pourrait plutôt ranger la vidéosurveillance dans la catégorie des machines à laver : plusieurs programmes sont disponibles mais son propriétaire ne peut lancer qu’un seul programme à la fois. En effet, si la vidéosurveillance peut soutenir plusieurs types d’activités (prévention de certains comportements, aide au déploiement des patrouilles sur le terrain, assistance pour la constitution de preuve, traitement du sentiment d’insécurité de la population, etc.), il est inconcevable qu’un même système puisse servir durablement tous ces objectifs en même temps, avec la même intensité et avec les mêmes opérateurs placés aux commandes.

    Pour expliquer l’efficacité limitée de la vidéosurveillance dans la révention des délinquances urbaines, M. Gill et A. Spriggs soulignent également les défaillances du cadre institutionnel qui a servi au développement des systèmes en Grande-Bretagne. Les programmes de subventions (CCTV Challenge Competition, Crime Reduction Programme et autres) ont encouragé les villes à s’équiper sans avoir à dresser un véritable diagnostic de la situation et à justifier leurs besoins. « De façon générale, soulignent-ils, la vidéosurveillance est perçue comme une fin en soi. Les porteurs de projet et ont une telle foi dans l’efficacité du système qu’ils ne jugent même pas nécessaire de justifier son installation. »

    Si efficacité, fut elle de peu d’importance, il y a…Encore faudrait il que l’on puisse évoluer le rapport efficacité/coût. Or, si la pratique est aujourd’hui courante pour des équipements sanitaires, sociaux ou éducatifs, elle ne l’est pas pour des équipements de sécurité ? Serait ce que les élus savent que la seule véritable utilité de la vidéosurveillance est son rôle “rassurant” ? Et politiquement intéressant

    Oui…Répond l’expert Sebastian Roché, qui précise “si les élus souhaitent, vraiment, lutter contre la délinquance, et pas seulement contre un “sentiment d’insécurité” souvent manipulé pour bâtir un terrain électoral”

  5. seb dit :

    Ce que vous, voire le PS, pourriez proposer…Car le problème aujourd’hui, c’est qu’on peut contester un système, mais encore faut il avoir des solutions de rechange.

    Pour M. Roché, “l’amélioration de l’éclairage public se révèle souvent plus efficace que la pose de caméras de surveillance.”

    « Pourquoi les élus ont intérêt à dire “au revoir” à la vidéo surveillance ? “Plus de sécurité, c’est moins de délits : c’est cela qui est apprécié par les citoyens. L’argent dépensé pour la vidéosurveillance ne l’est pas pour autre chose, et, si cela ne marche pas, il est gaspillé, privant la collectivité d’une réduction de la délinquance très attendue par la population. Les gens ne vont pas éternellement se contenter de bonnes intentions ou de manifestations de volonté (si on installe la vidéo, c’est que le gestionnaire ou l’élu ont vraiment la question à coeur).”

    Comment savoir si un système est efficace ? Et notamment la vidéo surveillance ?

    “Aujourd’hui, la délinquance diminue dans certaines communes. Le journal municipal de l’une d’entre elles explique qu’avec la baisse connue, la délinquance atteint le niveau « le plus bas jamais enregistré depuis dix ans » . Comme cet effondrement se produit après la mise en place d’un système de vidéosurveillance, la tentation sera forte de conclure à l’efficacité, et ce au nom du bon sens : « Je crois ce que je vois. »

    Mais, voilà qui est insatisfaisant : la commune d’à côté, qui n’a pas de vidéo dans les rues, a enregistré la même baisse. Conclusion : pour savoir si la vidéosurveillance apporte un bienfait éventuel, il faut être en mesure de comparer les évolutions dans le lieu étudié (rues, parking, école, etc.) et d’autres lieux comparables dans lesquels on n’a pas mis cette technologie en place. On parle de « condition de contrôle ».

    Que sait-on avec le plus de certitude, si l’on s’en tient à un bilan des études les plus indiscutables ? Ce qui ressort des évaluations pour lesquelles on dispose d’une condition de contrôle (un lieu avec lequel comparer celui qui est vidéosurveillé) est que la réduction, lorsqu’elle se produit, est minime, et, parfois, tellement faible qu’on ne sait pas si elle est vraiment significative. Les études trouvent des réductions de l’ordre de 2 % des délits, notamment dans l’habitat social ou dans les centres-ville. C’est tout à fait négligeable, surtout en regard de l’investissement consenti.

    Le fait que les utilisateurs trouvent le système pratique est une autre question : ils ont l’impression que c’est un gage d’efficacité parce qu’ils « voient sur l’écran et vont intervenir ». L’évaluation est là pour rappeler que ce ne sont pas les perceptions des agents qui garantissent l’efficacité d’une mesure. Il ne faudrait pas oublier les effets négatifs, c’est-à-dire contraire à ceux qui sont attendus : une augmentation des délits. Dans les centres-ville, sur cinq évaluations, trois ont apporté une amélioration négligeable de 2 % comme nous venons de le dire, et deux autres un effet « indésirable ».

    Dans les transports en commun, on trouve aussi deux évaluations avec une toute petite amélioration, une sans effet et une avec un effet inverse à celui recherché : les vols avec violence avaient augmenté deux fois plus que dans la station «contrôle » (sans vidéo). Quand toutes ces évaluations sont rassemblées, si l’on calcule une sorte de moyenne, on ne trouve pas d’effet significatif de baisse de la délinquance.

    Il ne s’agit pas de condamner la vidéosurveillance par principe, mais de juger sur les faits. Elle peut apporter, dans des conditions très restrictives, et sur des types de délits précis, des améliorations. C’est le cas dans les parkings. Parfois, l’installation de la vidéo dans un parking diminue jusqu’à 40 % les vols dans les voitures. Mais, si l’on regarde l’évolution du nombre des vols dans l’ensemble des parkings, y compris ceux qui ne sont pas fermés, il a continué à augmenter. De plus la vidéo ne réduit pas les vols de véhicules. On sait que ce résultat est accompli non par la vidéo seule mais en conjonction avec d’autres facteurs ! Et il s’avère même que ce sont ces autres facteurs qui sont les plus significatifs.

    En effet, dans les évaluations qui notent une amélioration de la sécurité du parking, le gestionnaire a pris d’autres mesures comme améliorer l’éclairage ou orienter les patrouilles de police plus souvent dans la même zone. Si l’éclairage et les patrouilles suffisent à expliquer l’amélioration, on pourra préférer ces solutions : elles sont moins coûteuses. Surtout, la police peut être facilement re- déployée au fur et à mesure que la délinquance se déplace. Pas les caméras. Résumons : quand les évaluations sont scientifiques et prennent bien en compte les effets d’autres aménagements comme les patrouilles de police, on ne trouve pas d’effet de la vidéo sur la baisse de la délinquance.

    Cerise sur le gâteau, les rapports d’évaluation qui concernent l’effet de l’amélioration de l’éclairage sur la délinquance montrent de bien meilleurs résultats. L’éclairage public plus puissant réducteur de la délinquance que la vidéosurveillance, tel est bien un des enseignements des évaluations.

    Le débat aujourd’hui tient à l’extension aux espaces ouverts au public (école, centres commerciaux, rues du centre-ville) de la solution miracle que constitue la technologie. La Grande-Bretagne est un pays qui a opté en masse pour ce choix. Aux Etats-Unis, on ne l’a pas fait, ce qui n’a pas empêché ce pays de connaître une décrue importante du nombre de crimes et délits. En France, il y a environ dix fois moins de caméras dans les espaces publics qu’en Grande-Bretagne, ce qui n’empêche pas notre pays de connaître un taux d’agressions physiques deux fois moins élevé que la Grande-Bretagne.

    Ces résultats, et ceux des évaluations scientifiques indépendantes, donnent à réfléchir et feraient bien d’être considérés sérieusement par les élus et gestionnaires d’équipement avant d’investir beaucoup d’argent : la vidéosurveillance n’est pas une baguette magique, bien au contraire. On peut déterminer combien la vidéosurveillance coûte, et on peut dire qu’elle n’apporte pas d’améliorations significatives. Veut-on communiquer avec les usagers et citoyens en utilisant la technologie comme signe de détermination apparente, ou veut-on diminuer le risque d’être victime et augmenter celui de prendre les délinquants ?”

    Et si la campagne des régionales du PS – et là ce serait un coup magistral ! – était :
    –plus d’éclairage public
    –plus de patrouilles
    –et une évaluation des endroits nécessitant des caméras de vidéo surveillance

    ?

    Et dans le même temps : pourquoi le Gouvernement donne t il des ordres pour empêcher les policiers d’accomplir leur job ?

    Aujourd’hui, on voit de tout. Dans certains quartiers de ma ville – mais je sais que c’est pareil partout – les ado fument des pétards dans la rue et certains plus âgés trainent ivre dans la rue, toute la journée, toujours les mêmes, et… au même endroit.

    Et à côté de cela, j’ai croisé ce midi la police en train de distribuer des amendes pour stationnement gênant !

    La question que le PS devrait peut être poser c’est : le Gouvernement fait il exprès de maintenir le pays dans l’insécurité pour gagner aux élections ?

  6. quidam dit :

    Je m »en veux de rajouter un commentaire à la logorrhée de seb. Mais qui est souverain ? les rapporteurs de commission? les idéologues libertaires ou le peuple qui aspire à un droit de circulation libre, sans gêne ni entrave, fusse en bas de son escalier, de jour comme de nuit.

  7. Florian dit :

    C’est marrant comme on peut parfois avoir tendance à penser que sa propre opinion est toujours celle du « peuple souverain », comme si ce terme suffisait par lui-même, qu’il était l’argument souverain (justement) et coupait court à toute discussion.
    La logorrhée de Seb comme vous dîtes m’en a plus appris que votre fulgurance simplificatrice qui consiste a contrario à conclure que ceux qui ne sont pas favorables à la vidéo ont envie de ne pas circuler librement dejour comme de nuit.
    Autrement dit, ils seraient masochistes et adorent être importunés en bas de leur escalier.
    A l’inverse, certains autres, l’immense majorité, le Peuple, savent que la petite caméra forte de petits bras musclés et sa grande connaissance des arts martiaux les plus redoutables viendra s’interposer entre le Peuple et ses agresseurs.

  8. quidam dit :

    à Florian
    D’accord pour dire mes propos sont une « fulgurance simplificatrice » par contre , la double négation dans le reste de la phrase me laisse perplexe.

    Dans le long exposé de Seb, et dans les rapports que j’ai pu survolés, suivant les moments, suivant les lieux et suivant les conditions externes (lumières, police,populations visées, etc) on peu en conclure que l’efficacité des caméras est …….variable. MAM en conclu qu’il faut généraliser les caméras, le libertaire qu’il faut en minimiser le nombre.

  9. Marc dit :

    Savez-vous si la videosurveillance est l’objet de lobbying de la part d’industriels qui aurait a gagner sur le sujet : matériel à installer, contrats d’abonnement, de « services » avec mécanismes de client captif ? En tant que chercheur en informatique/traitement d’image, je crois que la videosurveillance constitue un des grands champs applications du domaine. Grand non par la gloire, mais par l’argent qu’on peut récolter sur des contrats industriels et conventions avec l’Etat, qui subventionne largement les travaux en la matière. Contrairement à d’autres secteurs, le modèle économique est à peu près clair et convaincant. Je crois volontiers que le lobby en question expliquera que ce domaine crée des emplois de tous niveaux de formation, non délocalisables etc… triste société que celle là ! Nul doute que notre pôle de compétition (ah, la compétition, alpha et omega) images & réseaux, en recherche de renouvellement thématique (bien qu’ayant fait tant d’efforts pour que les gens regardent TF1 sur leur téléphone mobile, un grand pas pour l’humanité), va s’y mettre – voyons voir les prochains appels à projets…

    Enfin, pour se détendre : l’acronyme CCTV désign à la fois la télé nationale chinoise et les systèmes de videosurveillance. Coïncidence !

  10. Pnyx dit :

    « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
    Thomas Jefferson

    Tout est dit… !

  11. Marc dit :

    En effet le Guardian est toujours une lecture très intéressante…

    Passant cette semaine à Glasgow, je vois que certains magasins sont ouverts le dimanche, mais presque tous les magasins tirent le rideau à 6 heures le soir de semaine, voire 5 heures. Le plus grand centre commercial d’Ecosse, c’est rideau à 18h00 ! C’est que le personnel doit rentrer chez lui s’occuper de sa famille and it’s tea time ! Tout ça pour dire que Sarko et al. ne nous racontent que le côté qui les arrangent…

  12. seb dit :

    Désolé pour la longueur de mes messages. J’essaye de faire court, mais les rapports des Ministères sont déjà longs, et il est difficile de ne pas reprendre les commentaires de vrais experts, quand ils sont importants et intéressants.

    En ce moment, je déprime vraiment. Sincèrement, le PS prétend encore être la deuxième force politique de France ?

    Le pays va mal, le chômage augmente, l’insécurité progresse, la famille est mise à mal (bah oui, touchons à la retraite des mères plutôt qu’aux bons copains financiers de sarko !), la justice se privatise, ect.

    Et que fait le PS ? Il songe à…Des primaires pour désigner le candidat pour 2012 !

    Avant de faire de la politique politicienne pour déterminer un « champion » pour 2012, il faudrait peut être commencer par être CREDIBLE non ?

    Sincèrement, c’est frustrant de voir que la raison d’être du PS c’est 2012 alors que la France demande au PS d’être une ALTERNATIVE CREDIBLE non pas à M. SARKOZY mais POUR LE PAYS.

    Je vois souvent des reportages où on nous explique que les partis suivent des « cours » de « marketing ». Visiblement, ce n’est pas le cas de MME AUBRY !

    Si l’on veut « vendre » le PS auprès des Français, il faut PARLER aux Français, et surtout REPONDRE A LEURS PROBLEMES. Et personnellement, je pense que les primaires socialistes pour 2012, les Français s’en tamponnent comme de leur première chemise.

    Alors à quand un vrai recentrage sur le « projet » plutôt que sur le « porteur de projet » ?

    Et à quand une organisation du genre : groupe d’identification des problèmes, brainstorming pour trouver des idées pour y répondre, tri des choix proposés, application au niveau local. Puis, proposition extension national.

    Je suis sur que tous les élus locaux, parlementaires, chefs de fédérations, etc. Ont des propositions EFFICACES, PERTINENTES, VALABLES (peut être un peu chères mais qui en valent le prix) pour la France. Il serait dommage de ne pas exploiter l’énergie, la bonne volonté, et la créativité de tous ces élus, à commencer par celles du maitre des lieux.

    Faut il jeter « Martine » par la porte ? Je ne sais pas. On pourrait avoir pire. Mais en tout cas, il faut arrêter le massacre. Sinon, ce n’est plus « PS » qu’on écrira pour désigner le parti, mais le parti des « not able ».

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